Revue de presse

Depuis quelques semaines, le STRASS essaie de tenir des revues de presse de l’actualité concernant le travail sexuel. Jusqu’ici, elles restaient internes à nos listes, mais nous avons décidé d’en faire profiter un maximum de monde ! Chaque semaine, vous trouverez désormais une nouvelle revue de presse, accompagnée de son Edito, qui mettra à chaque fois un thème différent en avant.
L’Edito de cette semaine revient ainsi sur l’affaire Northern Spotlight.
La revue de presse est quant à elle téléchargeable ici
EDITO, par Khya :

Cette semaine dans le revue de presse la diffusion du documentaire « Scarlet Road » réalisé par l’australienne Catherine Scott sur France O ce dimanche 2 février à 15h17h. Ayant également été présenté lors du Ramdam 201 festival du film à Tournai en présence de Pye Jacobson (interview pour le Surricate magazine ). Le documentaire est un portrait militant et intime de Rachel Wotton, travailleuse du sexe australienne. La caméra suit Rachel dans tous les aspects de sa vie, de la préparation de son master en Santé sexuelle, à l’intimité de son couple, et de la façon de faire de l’assistance sexuelle auprès d’un public handicapé , où l’on voit de manière touchante des parents préparer romantiquement le lit de leur fils handicapé en vue de préparer la relation sexuelle avec Rachel, en l’agrémentant de pétale de roses et de chocolats dissimulés sous l’oreiller. Cette fondatrice de l’association Touching Base milite pour la reconnaissance de l’assistance sexuelle auprès de public handicapé et pour la lutte contre les discriminations auprès des sex workers et des handicapés. Le film présente à travers les différents témoignages de public handicapé la revendication de l’accès au sexe comme une composante vitale de la condition humaine.

En France, deux jugements rendus pour le meurtre de deux prostituées. Un chauffeur livreur de 66 ans condamné à 15 ans de réclusion pour avoir assassiné une prostitué chinoise de 14 coups de couteaux à Maison Alfort et à Toulouse , condamnation de 30 ans de réclusion à l’encontre de José Gimenez, 38 ans pour l’enlèvement et la séquestration d’une prostituée bulgare de 31 ans , décédée en se jetant du camion dans laquelle elle était maintenue captive . L’association Grisélidis était présente au procès en soutien à la victime.

Au Canada, dans la région de l’Ottawa, le 22 et 23 janvier 2014 une opération de police Northern Spotligh donnant des faux rendez-vous à des prostituées pour fouiller chez elles et les interroger dans l’objectif de libérer des victimes de proxénétisme a suscité une polémique au Canada. Une méthode policière désapprouvée par l’association canadienne POWER , organisation de défense des sex workers en Ottawa à travers leur communiqué de presse mis en ligne sur leur site. Retour sur cet évènement où nous avons pu avoir l’éclairage de Caroline Newcastle, sex worker et membre de l’association Power pour les prostituéEs de l’Ottawa lors d’un entretien par Skype. Nous remercions encore Caroline Newcastle d’avoir pris le temps de répondre à nos questions.

Voici le résume de son éclairage sur l’affaire Northern Spotlight

1/POWER, ASSOCIATION POUR LA DECRIMINALISATION DE LA PROSTITUTION AU CANADA

Caroline Newcastle est membre de Power,association fondée en 2008 par deux hommes travailleurs du sexe. Elle s’occupe de la reconnaissance des droits des sex workers en entamant des démarches judicaires, de faire connaitre leurs droits de citoyens aux travailleurs du sexe et de training, formant des travailleurs sociaux à intervenir dans la communauté des sex work. La dernière intervention médiatique de Power a été de dénoncer l’opération de Police Northern Spotlight et ses effets désastreux sur la relation entre sex worker et police.

2/Opération Northern Spotlight : des effets traumatisants chez les sex worker :

Le 22 et 23 janvier, la police lançait l’opération Northern Spotlight dans 22 villes du Canada et menant à l’interrogation de plus de 300 travailleuses du sexe. Des policiers appelaient de manière anonyme des escort indoor et en salon de message pour se présenter ensuite à leur lieu de travail en vue d’interrogatoire et de fouille pour découvrir une possible situation de proxénétisme. Les escortes indoor ainsi piégées, se retrouvaient face à quatre hommes policiers dans leur couloir. Aucune femme policière n’a été présente dans cette opération. Intimidée, craignant l’outing auprès de leurs voisins ou de leur propriétaire, beaucoup ont été intimidées, gênées par ces policiers et contraintes de les faire rentrer dans leur appartement. La mise en place de Northern Spotlight a été faite sans consultation des premières concernées. Power a diffusé un communiqué de presse se positionnant contre ce type de méthode en opposant le droit à la vie privée et dénonçant la confusion entretenue entre travail du sexe et traite humaine.

Quant aux résultats de cette opération, la police assure de son succès sans mentionner de chiffres ou de preuves claires. On sait seulement qu’une mineure de 15 ans a été découverte, et libéré de son proxénète. Aucune autre arrestation n’a été effectuée. On peut noter que c’est la première fois que les escorts indoors sont visées spécifiquement par la police.

3/La Police source de stigma pour les sexworkers : les raisons d’une relation conflictuelle

D’un côté, des policiers persuadés que les escorts sont des victimes, entretenant une confusion entre traite humaine et travail sexuel et d’un autre côté des associations de sex workers se sentant peu écoutés face à une police ne les considérant pas comme acteur important. La méconnaissance des policiers quant à la situation difficile dans laquelle ils mettaient des sex workers en se rendant en nombre devant leur lieu de travail et en les exposant ainsi publiquement a de quoi surprendre.

Quelles sont les relations entre sexworker et police ? Conflictuelle, tendue, c’est ce qui ressort d’une étude menée en 2009 par Power. La police est considérée comme source de stigma chez les Tds, en majorité les streets workers. Harcèlement, abus verbaux et physiques, outting forcé, exclusion de l’espace public, autant de pratiques amenant les Tds à ne pas considérer la police comme source de droit mais agent de pouvoir, un pouvoir utilisé de manière abusive et arbitraire. Jusqu’en 2010, la police effectuait des starlight tours où les policiers forçaient les Tds à monter en voiture pour être déportés loin de la ville.

Des méthodes suscitant rancunes, sentiment d’injustice et de vulnérabilité auprès des Tds, pour qui avoir recours à la police n’est chose aisée lors d’agressions.

Une exception serait la police de Vancouver où une tragédie a permis de prendre conscience de la situation marginale des prostituées. Robert William Pickton, agriculteur de profession est un tueur en série canadien. Le 9 décembre 2007, il a été condamné à perpétuité pour le meurtre prémédité de 14 femmes prostituées. Ce fait divers a eu un impact retentissant auprès du public et amené la police de Vancouver a considéré la sécurité des sex workers comme une priorité. Ce modèle reste pourtant exceptionnel au Canada.

Un passé lourd entre police et sex workers empêchant des relations de confiances. La donne ne pourra changer que si la police accepte de prendre en compte les travailleurs du sexe non comme une population marginalisé mais des citoyens et citoyennes égaux en droits, faits en premier lieu pour les protéger et non pour les stigmatiser. Mais comment travailler à une nouvelle relation quand les abus de pouvoirs de la police auprès des populations dites marginalisées des tds mais aussi d’autres populations (sans domicile fixe, population consommatrice de drogue… ) ne sont pas reconnues officiellement comme atteinte aux droit des citoyens. La police tend alors à devenir un groupe rival ayant sur un territoire donné du pouvoir de laquelle on cherche à se protéger plutôt que de lui demander protection.

Partager maintenant

Comments are closed.