Ni abolitionnistes…

À l’origine, l’abolitionnisme visait à l’abolition de la réglementation spécifique de la prostitution. Les prostituées étaient considérées comme des victimes qui doivent être réinsérées. La prostitution était considérée comme immorale, et son encadrement juridique était perçu comme un encouragement étatique contre lequel il fallait lutter.

Depuis que la réglementation spécifique a été abrogée en France, l’abolitionnisme s’est orienté vers la volonté d’abolir la prostitution. Celle-ci est considérée comme une violence faites aux femmes : considérées comme des victimes, les prostituées ne sont pas officiellement pénalisées. L’existence du délit de racolage public, qui pénalise directement les travailleurSEs du sexe, fait donc de la France un pays prohibitionniste. Par ailleurs, la définition extensive du proxénétisme pénalise la plupart des possibilités d’exercer le travail sexuel, en assimilant à un proxénète toute personne qui favorise la prostitution d’autrui (y compris, donc, les travailleurSEs du sexe elles/eux-mêmes).

Le glissement opéré de l’abolition de la réglementation à l’abolition de la prostitution est tout à fait logique, puisqu’il était contenu dès l’origine dans l’idéologie sous-tendant l’abolitionnisme. En effet, la prostitution a de tout temps été considérée par les courants abolitionnistes comme une violence à l’encontre des femmes. La lutte s’est simplement organisée en deux temps : d’abord l’abolition de la réglementation, ensuite celle de la prostitution.

Par ailleurs, on remarque également ces dernières années un glissement de l’abolitionnisme vers le prohibitionnisme, avec notamment la volonté affichée par les prohibitionnistes de pénaliser les clients des travailleurSEs du sexe, sans remise en cause de l’arsenal répressif qui pénalise déjà ces dernières.

Ni réglementaristes…

Sous un système réglementariste, l’achat et la vente de services sexuels, comme leur exploitation, sont autorisés. Il s’agit cependant d’une approche hygiéniste, selon laquelle la prostitution est considérée comme un « mal nécessaire », qui doit être canalisé pour éviter la contamination tant des maladies vénériennes que de l’immoralisme. La prostitution est par conséquent soumise à une réglementation spécifique qui permet le contrôle de cette activité. Les prostituées doivent être inscrites sur un fichier sanitaire et social, elles sont contraintes à des visites médicales régulières et l’exercice de la prostitution est limité à des lieux déterminés.

Le réglementarisme est donc le contrôle du travail sexuel par l’État et va à l’encontre de la liberté et de la capacité d’agency des travailleurSEs du sexe, dès lors définies comme une population spécifique à encadrer, à contrôler, et de ce fait infantiliséEs.

Les travailleurSEs du sexe qui refuseront cette assignation à un statut spécifique seront encore plus vulnérables et n’auront pas accès aux droits fondamentaux.

Le STRASS refuse cette perspective moralo-hygiéniste véhiculée par le réglementarisme, qui mène à la mise en place d’un système à deux niveaux, avec d’un côté la prostitution légale, encadrée, contrôlée, et de l’autre celle qui reste illégale et dans la clandestinité, système qui, dans les deux cas, ne fait que le jeu des exploiteurs en tous genres.

Syndicalistes !

Le STRASS se bat contre la criminalisation du travail sexuel et pour l’application du droit commun aux travailleurSEs du sexe. Il reste cependant tout à fait conscient que ces changements législatifs ne suffiront pas en eux-mêmes à combattre l’exploitation et les violences dont sont victimes les travailleurSEs du sexe, mais constituent une étape, nécessaire, à l’engagement d’une véritable lutte syndicale, fondée sur l’auto-organisation des travailleurSEs du sexe face à leurs exploiteurs. La criminalisation du travail sexuel constitue une entrave à la possibilité pour les travailleurSEs du sexe de défendre leurs droits. Parmi les violences dont sont victimes les travailleurSEs du sexe, nombreuses sont celles qui pourraient être évitées si elles exerçaient dans un contexte de décriminalisation.