PROJET DE LOI FINANCES 2016 : MOINS D'ARGENT POUR LA SANTÉ DES FEMMES, PLUS POUR LA PROPAGANDE ABOLITIONNISTE !

Alors que le Sénat, au grand dam des abolitionnistes, vient de rejeter en deuxième lecture la pénalisation des clients, tout en conservant l’abrogation du délit de racolage, de la PPL de lutte contre le système prostitutionnel, la récente publication de la Proposition de Loi Finances 2016 nous en apprend enfin un peu plus sur le fameux « fonds » qu’on ne cesse de nous vanter pour justifier des mesures répressives qui plongeront les travailleurSEs du sexe dans toujours plus de précarité.

Comme nous le redoutions, les modalités de financement de ce fonds, loin de répondre aux besoins des travailleurSEs du sexe, ne proposent que de toujours plus financer le quelques associations qui se font un business de notre absence de droits, et leur propagande, au détriment du financement d’actions de santé globale pour les femmes et les populations en difficulté, ainsi que de la lutte contre le VIH et les IST.

C’est dans le programme 137 du PLF 2016, dédié à l’égalité entre les femmes et les hommes1 que se trouve incluse l’action 15 « prévention et lutte contre la prostitution et la Traite des Êtres humains ». Le budget de l’action, qui « vise à améliorer la lisibilité des actions menées sur ce champ, à mieux répondre aux besoins spécifiques de ce public, notamment en matière d’accompagnement social et sanitaire des personnes prostituées ainsi qu’à renforcer le pilotage des moyens dédiés à cet effet » , est de 4,98 millions d’euros, ce qui constitue 18,5% du programme, contre 2,39 millions d’euros (9,5%) en 20152, soit une différence de 2,8 millions au bénéfice de l’année 2016.

Ces 2,8 millions cependant ne correspondent en aucun cas à un effort supplémentaire de la part du gouvernement, mais à une réaffectation de budgets auparavant dédiés à d’autres actions :

– 0,8 million sont ainsi réaffectés depuis le programme 176 (Intérieur : Police nationale), sans plus de précision.

– 1 million depuis le programme 101 (Justice : accès au droit et à la justice), sans plus de précision non plus.

– 1 million depuis le programme 204 (Santé : prévention, sécurité sanitaire et offres de soins). Sur ce million, la moitié est prise sur l’action 12, qui « vise notamment à apporter au grand public et particulièrement aux plus fragiles l’information et l’éducation en santé dont ils ont besoin ». Cette action se concentre notamment sur la santé des populations en difficulté, la santé des jeunes, la santé de la mère et de l’enfant (notamment à travers les objectifs suivants : l’accès de toutes les femmes à la contraception, l’accès des femmes à un droit effectif à l’IVG, améliorer la santé et la prise en charge des femmes enceintes et jeunes mères, améliorer la santé de la petite enfance), et les traumatismes et violences.
L’autre moitié quant à elle est prise sur l’action 13 « prévention des risques infectieux et des risques liés aux soins ».

C’est donc directement dans les fonds prévus pour la santé des femmes, des jeunes enfants et des jeunes, sur des dépenses aussi cruciales que l’IVG, la contraception, la petite enfance, les violences, et la lutte contre le VIH et les IST que sont pris les fonds qui serviront à lutter contre la prostitution, en finançant les actions abolitionnistes et leur propagande !

En effet, d’après le descriptif de l’action, les crédits de l’action sont notamment à dépenser, au niveau local, en plus des actions de rencontre, d’accueil, et d’accompagnement des « personnes en situation ou en risque de prostitution », à des « actions de prévention auprès des jeunes afin de prévenir le risque prostitutionnel, tant en ce qui concerne l’entrée dans la pratique prostitutionnelle que le recours à la prostitution », à la sensibilisation des professionnels « aux enjeux du phénomène prostitutionnel et de la traite des êtres humains afin d’améliorer le repérage, l’identification et la prise en charge des victimes », et enfin, à l’organisation de « manifestations auprès du grand public (colloques, conf, débats) ».

Au niveau national, les principales associations abolitionnistes qui recevront un budget, explicitement mentionnées en tant qu’ « association têtes de réseau », sont donc le Mouvement du Nid, l’Amicale du Nid, ALC-Nice, et le Comité contre l’esclavage moderne.

Alors que les principales mesures à prendre pour lutter contre l’exploitation des travailleurSEs du sexe sont des mesures transversales telles que la régularisation des travailleuses étrangères, et une revalorisation conséquente des aides sociales et des salaires notamment en direction des femmes et des jeunes, les seules mesures financières de cette proposition ne consistent qu’à donner toujours plus d’argent aux associations abolitionnistes, au détriment de la promotion de la santé des femmes et des populations vulnérables.

En s’alliant, dans leur volonté irrationnelle de voir les clients pénalisés, à un gouvernement qui a pourtant brillé, depuis son arrivée au pouvoir, par ses mesures d’austérité, les féministes abolitionnistes ont donc préféré, à la lutte radicale pour l’accès aux droits des travailleurSEs du sexe, la compromission.

C’est pourquoi, malgré les avancées que constitue le vote du Sénat en seconde lecture, nous continuerons de nous opposer frontalement à cette proposition de loi dans son ensemble, et que nous continuerons à revendiquer la dépénalisation totale du travail sexuel, ainsi que de véritables mesures sociales en direction de celles qui en ont besoin, seules manières d’agir effectivement contre l’exploitation des travailleurSEs du sexe.

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