Pétition ONU Femmes : Signez et Partagez !

Pétition ONU Femmes, pourquoi nous appelons à signer 
 
Suite aux pressions de groupes prohibitionnistes, ONU Femmes organise une consultation internationale afin de définir sa propre position sur le travail sexuel, alors même que différentes agences des Nations Unies se sont déjà prononcées en faveur de la décriminalisation du travail sexuel comme meilleur moyen de garantir la santé et les droits humains des travailleurSEs du sexe.
 
La consultation est ouverte indistinctement aux organisations de travailleurSEs du sexe mais également à de nombreux groupes prohibitionnistes, qui ne sont pas représentatifs des travailleurSEs du sexe, et qui pourtant sont considérés comme légitimes à se prononcer sur les modèles législatifs impactant nos vies.
 
Le réseau mondial NSWP a donc lancé une pétition afin d’exiger d’ONU Femmes d’améliorer ses méthodes de consultation pour que les groupes de travailleurSEs du sexe puissent réellement être entendus de façon significative. En effet, la grande majorité des organisations de travailleurSEs du sexe dans le monde n’ont pas les moyens et outils numériques adéquats pour répondre en moins d’un mois, par écrit, et dans les langues européennes de l’ONU au questionnaire présenté.
 
Nous demandons que des auditions des groupes concernés avec traduction puissent être organisées afin de permettre aux travailleurSEs du sexe, en particulier des pays d’Asie et d’Afrique, de prendre part correctement à cette consultation. Autrement, la grande majorité des voix de notre mouvement international ne sera pas entendue, créant un déséquilibre avec celle des prohibitionnistes plus fortement organisés, financés et rompus au lobbying.
 
Pour signer la pétition cliquez ici :
https://www.change.org/p/call-for-un-women-to-meaningfully-consult-sex-workers-as-they-develop-policy-on-sex-work
 
 
+ Ci-dessous notre réponse à ONU Femmes :
Question 1) Le programme Horizon 2030 s’attache à l’universalité, aux droits humains et à la prise en compte de tous. Comment interprétez-vous ces principes dans le cadre du travail/commerce sexuel ou de la prostitution ?
Nous sommes un syndicat de travailleurSEs du sexe en France comptant environ 500 membres sur toute la France. Nous avons également une base de contacts de travailleurSEs du sexe avec plus de 5000 emails. Environ 70% de nos membres sont des femmes cisgenres et 15% des femmes trans. Nous rencontrons régulièrement nos collègues sur nos lieux de travail, dans des « tournées de rue » où nous distribuons information et matériel de prévention, ainsi que lors de nos permanences syndicales hebdomadaires où nous offrons un service juridique de conseil et d’aide, ainsi que d’accompagnement aux droits et à la justice pour les victimes de violences et/ou d’exploitation, voire de travail forcé et de traite des êtres humains.
La notion d’universalisme est bien connue en France. Elle sert surtout à modeler la notion de droits humains sur les droits de « l’homme », blanc, hétérosexuel, etc. Nous n’en faisons donc pas partie. Lorsqu’on parle de droits des femmes, nous n’en faisons pas partie non plus, car LA femme est pensée à partir du modèle de féminité à la française, et surtout du fait de la domination de certains mouvements de femmes proches du pouvoir socialiste qui représentent avant tout une classe moyenne blanche et jamais ou rarement les femmes migrantes, musulmanes, ou travailleuses du sexe. Pour elles, nous n’existons pas. Nous sommes acceptables seulement quand nous nous déclarons malheureuses et prêtes à nous repentir. Si nous avons le malheur d’affirmer que nous avons vécu pire exploitation ailleurs que dans l’industrie du sexe et que nous ne souhaitons pas changer de travail, nous sommes alors vues, non plus comme des victimes, mais des complices du patriarcat, et notre syndicat est régulièrement accusé d’être un « lobby proxénète » par certaines de ces militantes ou organisations. Notre « prise en compte » n’existe donc pas. Les lois sont votées sans nous et donc contre nous. Plusieurs théories sont élaborées afin de nier notre parole: nous serions dans le déni de notre souffrance, ou traumatisées psychologiquement, souffrant d’une soi disant « décorporalisation » ou de schizophrénie, d’un syndrome de Stockholm qui nous ferait préférer et protéger nos « proxénètes ». Nous serions des menteuses, et d’ailleurs on nous cite régulièrement l’exemple d’une ancienne porte parole Ulla qui aurait menti, prouvant ainsi que toutes les travailleuses du sexe en exercice ou militantes seraient des menteuses. Nous serions manipulées par des proxénètes ou nous cacherions la vérité sur nos clients pour ne pas les perdre, et perdre nos revenus. Nous aurions toutes été violées et donc incapables de comprendre ce qui serait LA bonne sexualité pour les femmes, une sexualité avec désir et plaisir partagé, gratuite évidemment. Ce que nous comprenons c’est que le couple monogame et hétérosexuel, le prince charmant, serait toujours le meilleur modèle de sexualité pour les femmes, car sinon nous serions « consommées » par les hommes. Nous ne partageons pas cette vision de la sexualité où les femmes seraient toujours des objets passifs attendant d’être pénétrées par amour, tandis que la sexualité masculine serait violente et à contrôler par les lois et la morale publique. Nous ne pensons pas être des femmes déchues, ou qui seraient salies par le sexe ou l’argent de nos clients. Nous sommes des travailleuses, des actrices de prévention, des féministes. Aussi, nous ne pensons pas que la sexualité en couple, ou dite gratuite serait exempte d’exploitation ou de violences. Au contraire, de par nos expériences, nous pensons que le couple et la famille sont souvent les premiers lieux d’exercice de la violence des hommes. Nous pensons aussi, comme l’analyse l’anthropologue Paola Tabet, que la prostitution n’est qu’une institution du patriarcat parmi d’autres, et qu’elle se situe dans un continuum d’échanges économico-sexuels. L’économie sexuelle du patriarcat, pour reprendre les termes de Gayle Rubin dans The Traffic in Women, est centrée sur « l’échange des femmes ». Cet échange des femmes a été organisé principalement via le mariage dans les patriarcats traditionnels occidentaux. La prostitution a été et est stigmatisée afin de maintenir la division des femmes, entre celles qui seraient au service des hommes pour le travail sexuel de reproduction et familial, et celles au service des hommes pour le travail sexuel de divertissement et de plaisir. Pour nous, il est évident que cette division imposée par le patriarcat est factice, car nous sommes à la fois des « mères » et des « putes », et nous ne faisons qu’essayer de vivre et de résister dans un système où les femmes sont dépossédées des ressources et des richesses. 
Nous regrettons évidemment que les passerelles entre groupes de femmes ne fonctionnent pas dans beaucoup de mouvements de femmes qui continuent de se croire supérieures ou « plus libérées » que les travailleuses du sexe, parce qu’elles ont plus de pouvoir politique et économique en tant que bourgeoises. Dans un tel contexte, où nous sommes ignorées ou attaquées par les mouvements féministes qui devraient pourtant être nos premiers soutiens, nos droits humains sont évidemment régulièrement bafoués. Être travailleuse du sexe aujourd’hui en France est un peu comme être homosexuelLE dans les années 1950. Nous ne sommes pas à l’abri d’être dénoncées par des voisins, de voir la garde nos enfants retirée surtout en cas de divorce, d’être discriminée dans l’accès au logement en partie à cause des lois sur le proxénétisme. Nous sommes encore et toujours pénalisées malgré l’abrogation du délit de racolage, par de nombreux arrêtés municipaux, les lois sur le proxénétisme interdisant l’aide à la prostitution y compris entre nous lorsque nous tentons de travailler à plusieurs pour notre sécurité ou que nous partageons une camionnette ou un studio. Nous sommes parfois condamnées pour « travail dissimulé », si nous ne déclarons pas nos revenus fiscalement ou à l’URSSAF, alors même que la classe politique dit que nous ne sommes pas des travailleuses. L’insulte « fils de pute » est une des plus répandues de la langue française, indiquant que nous serions de mauvaises mères. Nous nous voyons refuser des prêts bancaires ou des assurances lorsque notre travail est connu. Nous pouvons être rejetées par notre propre famille et devons souvent cacher ce que nous faisons à l’ensemble de la société. Si nous avons un travail de jour, nous pouvons le perdre à tout moment, en particulier s’il s’agit d’un travail dans l’éducation nationale ou représentant la fonction publique. Nous sommes souvent victimes de violences, en particulier les femmes migrantes sans papiers, ou transgenres. Il est alors très difficile que nos plaintes soient enregistrées et que des enquêtes soient menées. Nous souffrons souvent d’un déni de justice et la plupart d’entre nous préfèrent ne pas porter plainte. Nous n’avons pas accès au droit du travail car le tribunal des prudhommes nous renvoie vers le pénal lorsque nous dénonçons des faits d’exploitation. Il est donc difficile d’obtenir gain de cause pour améliorer nos conditions de travail. Les lois sur le proxénétisme sont utilisées principalement par la police pour faire fermer nos lieux de travail, voire condamner les travailleuses du sexe elles-mêmes si elles s’organisent ou aident une partie du travail sexuel entre elles, à plusieurs. Nous ne portons donc pratiquement jamais plainte pour proxénétisme car cela revient à perdre nos emplois et nos revenus, et devons nous organiser en dehors de la loi si nous voulons échapper à l’exploitation ou à de mauvaises conditions de travail. Ces lois sont contre productives et ne nous protègent pas de l’exploitation. Au contraire, nous devons payer des surloyers ou des montants plus importants pour trouver un appartement pour travailler ou vivre car les propriétaires savent qu’ils prennent des risques en nous louant. Y compris dans le cas du travail forcé et de la traite des êtres humains, la plupart des collègues migrantes préfèrent ne rien signaler aux autorités par peur de se retrouver expulsées et se débrouillent donc souvent seules. Tout ce que le gouvernement a à nous offrir est un « parcours de sortie de la prostitution » qui n’est toujours pas en place, aux moyens limités, et dont les aides sont conditionnées à l’arrêt de la prostitution. La pénalisation des clients en cours depuis avril 2016 a eu des impacts négatifs très forts, avec une augmentation de la précarité et des violences, et un plus faible pouvoir de négociation.
Le programme Tous en Marche contre les violences de Médecins du Monde et du Bus des femmes reçoit beaucoup plus de travailleuses victimes de violences depuis la pénalisation des clients, en particulier parmi les femmes migrantes qui sont toujours la cible de la police en rapport aux lois sur le droit au séjour. Pour nous, il est évident que ce n’est pas la nature de notre travail en soi qui pose problème mais toutes les discriminations, la stigmatisation, l’exclusion du droit commun, et la pénalisation qui sont les causes des violences et abus aux droits humains que nous subissons.

Question 2) Les Objectifs de développement durable (ODD) ont pour ambition de parvenir à l’égalité des sexes et d’autonomiser les femmes et les filles. Les ODD comprennent également plusieurs cibles relatives à l’autonomisation des femmes, telles que :
a)les droits reproductifs
b)l’accès des femmes aux terres et aux biens
c)le développement de sociétés paisibles et inclusives
d)l’élimination du trafic des femmes
e)l’élimination de la violence à l’égard des femmes.
Selon vous, comment les politiques relatives au travail, au commerce sexuel et à la prostitution peuvent-elles favoriser ces cibles et ces objectifs ?
Selon nous, la criminalisation du travail sexuel, des travailleurSEs du sexe, de nos clients, ou des parties tierces, contribue à entraver l’accès aux droits humains, droits reproductifs, l’accès aux ressources et biens, au développement de sociétés paisibles et inclusives, à l’élimination de la traite, ou de la violence à notre égard. Les lois sur le travail sexuel en France ne sont pas pensées dans le but de nous aider à améliorer nos conditions de vie et de travail, mais à nous faire arrêter le travail sexuel ou bien à l’exercer de manière cachée, tout en étant obligées légalement de contribuer au fisc et aux cotisations sociales en tant que travailleurs indépendants. Nous ne pouvons pas accéder aux droits humains correctement tant que notre travail est pénalisé, tant que nous n’avons pas accès au droit du travail et outils juridiques pour nous défendre en justice. Ce n’est pas la demande des clients qui crée la traite des êtres humains, elle existe dans les industries dans lesquelles les travailleurs sont souvent sans papiers et n’ont aucun droit. C’est le déséquilibre des richesses entre le nord et le sud de la planète qui pousse des femmes à migrer et à prendre des risques pour leur vie. Le travail sexuel représente une ressource économique dans l’économie informelle quand l’accès aux emplois du secteur formel est réservé aux femmes blanches de la classe moyenne ayant des papiers ou la bonne nationalité. La traite des êtres humains continuera tant que les femmes seront obligées de migrer dans des conditions de pire en pire, et tant qu’elles ne pourront pas signaler leurs exploiteurs aux autorités car elles n’ont pas de garantie suffisante d’être protégées au regard du droit au séjour ou de l’accès au logement pour elle et leurs enfants. La pauvreté que nous subissons, en particulier lorsque nous élevons seules nos enfants, est considérée comme normal par la société. En revanche, si nous osons exercer le travail sexuel pour échapper à la pauvreté nous devenons des inadaptées sociales (ordonnance de 1949 en France), et des personnes à « réinsérer socialement ». Si l’état était vraiment sincère dans la lutte contre la prostitution, il lutterait contre la pauvreté, et pour le droit au séjour des femmes migrantes, contre la transphobie et l’exclusion que subissent les femmes trans, et arrêterait de gâcher ses ressources dans l’envoi de forces de police qui ne font que nous forcer à nous cacher, augmentent les violences et l’exploitation, ainsi que les contaminations au VIH/IST.

Question 3) Le commerce sexuel est sexo-spécifique. Quelle est la meilleure manière de protéger de la violence, de la stigmatisation et de la discrimination les femmes qui sont impliquées dans ce commerce ?

Pour ne pas trop répéter ce que nous avons déjà répondu dans les réponses précédentes, nous pensons pour résumer qu’il est impératif de décriminaliser le travail sexuel et d’accéder au droit commun, y compris le droit du travail, et donc en reconnaissant le travail sexuel comme un travail. La police ne protège pas les travailleuses du sexe, mais la propriété privée et les riches. La première violence que nous subissons est celle institutionnelle. C’est la cause de toutes les autres violences qui en découlent car nos agresseurs savent que nous ne sommes pas considérées comme de vraies citoyennes. La libre circulation des personnes, l’abrogation des lois idéologiques entraînant la précarité, la répression policière, les mises en détention et les incarcérations ; et l’accès au droit commun, seraient une meilleure réponse contre les violences subies par les travailleuses du sexe que « l’abolition de la prostitution », qui n’est en réalité qu’une forme de prohibition déguisée en bonne conscience bourgeoise « d’aider les femmes pauvres ». Nous ne voulons pas être « aidées », nous voulons être traitées d’égales à égales, et donc d’avoir les mêmes droits que les autres femmes et les autres travailleurs.
 

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