Ce mercredi 19 octobre 2011 a été lancé, dans l’amphithéâtre Caroli de l’hôpital Saint-Antoine, le nouveau cycle de conférence, intitulé « Urgence républicaine », de l’association « Future, au féminin » et du think tank « Des femmes au service de l’Homme ».
Pour cette première conférence-« débat » (qui relevait plus de la conférence de presse déguisée que du débat), Lydia Guirous (fondatrice-présidente de l’association) a accueilli Marie (étudiante en licence de droit à Paris et prostituée), Fadela Amara (co-fondatrice du mouvement Ni Pute Ni Soumise et ex-secrétaire d’État à la politique de la ville) et le professeur Charles Sigfred Peretti (chef du service de psychiatrie de l’hôpital Saint-Antoine).
Devant l’objectivité douteuse et la mise en scène évidente de cette présentation, le STRASS s’est invité.
Lydia Guirous nous a présenté son bébé en tirant « avec un grand cri la sonnette d’alarme parce qu’aujourd’hui ça suffit ! ».
Elle a très brièvement exposé l’idéologie qui se profile quand une étudiante devant travailler pour financer ses études rencontre trois opportunistes : une féministe échaudée, une politicienne éconduite et un psychiatre phatique.
Marie doit effectivement travailler pour financer ses études et l’on peut légitimement dénoncer le manque de crédits accordés à l’enseignement supérieur, la précarité des étudiantEs, la vétusté des campus, la mauvaise gestion des ressources humaines, etc. Mais là n’était pas l’objet de cette « conférence-débat ».
Il se trouve que Marie a « choisi la prostitution » comme activité.
Les intervenantEs y voient un drame national, un « fléau », pour reprendre le terme employé par Fadela Amara et dont la proximité avec les ordonnances de 1960, qui qualifient les tuberculeux, les homosexuels, les prostituéEs et les alcooliques de fléaux sociaux, ne peut qu’inquiéter.
Ne masquant ni son moralisme, ni son mépris, madame la Ministre n’a pas semblé s’inquiéter du fait que le problème était la précarité des étudiants et non le travail sexuel, puisqu’elle a publiquement affirmé : « vous voulez que je vous dise franchement, je m’en fous des prostituéEs ! Si vous le faites pour prendre votre pied, c’est votre problème ».
Fort de son expertise autoproclamée, le professeur Peretti a pu asséner tout un tas de pseudos-vérités, telles que le fait que l’exercice du travail sexuel était une « addiction indigne et honteuse », que cela consistait à « tourner le dos à l’émancipation », équivalait à une « perte de liberté », qu’il s’agissait de « monnayer son corps » et que l’argent qui en résultait était de « l’argent sale ». Allant jusqu’au bout de son mépris, il a pu affirmer que si Marie avait besoin d’argent pour financer ses études, elle n’avait qu’à « travailler ».
Respectant les règles du débat contradictoire, le STRASS est intervenu au stade des questions pour souligner que la conquête de la liberté ne pouvait passer que par la reconnaissance de droits aux travailleurs du sexe, que la violence ne résidait pas dans le travail sexuel, mais bien dans les discours qui visaient à expliquer à quel point cette activité était nocive, que s’il pouvait y avoir un problème d’estime de soi, cela n’était que le fruit des discours stigmatisants et victimisants qui désignaient les travailleurs du sexe comme des mineurs, ainsi qu’à la réglementation qui rendait l’exercice du travail sexuel difficile. À ce stade, la violence symbolique du discours est devenue bien réelle puisque les organisateurs se sont empressés de nous interrompre, de tout faire pour nous empêcher de prendre la parole, allant jusqu’à nous inviter à quitter la salle.
Le STRASS s’indigne de la récupération d’un problème de société réel – la précarité des étudiantEs – pour lutter contre le travail sexuel et ceux qui l’exercent, tout comme de la récupération des travailleurSEs du sexe par ces grossistes en prêt-à-penser.
Dans tous les événements publics, nous n’aurons de cesse de rappeler que le problème n’est pas le travail du sexe, mais bien la pathologisation et la victimisation des travailleurSEs du sexe, l’instrumentalisation de leur parole quand elle n’est pas purement et simplement niée.
Dans tous les événements publics, nous n’aurons de cesse de rappeler que la violence ne vient pas du travail sexuel, mais de la réglementation qui l’entoure et du regard porté dessus par les idéologues, les moralisateurs-trices de tout bord.