Ce communiqué devait initialement être diffusé uniquement au sein des listes internes de la Fédération Parapluie Rouge regroupant des organisations de travailleurSEs du sexe. Or, divers événements à la fois contre le STRASS et ses membres, ainsi que des prises de positions politiques contraires aux principes de nos luttes nous poussent à le rendre public.
Le 6 mars dernier un email annonçait la « mise en retrait » du STRASS de la Fédération Parapluie Rouge. C’est la première fois qu’une organisation membre se voit subir ce traitement. Cette décision n’était pas statutaire, puisque toute suspension doit être décidée par le bureau de la Fédération Parapluie Rouge tandis que l’email était signé uniquement de sa coordinatrice, salariée, par définition, ni membre, ni représentante, du bureau, invoquant un « nous » sans plus de précision. Les deux membres du bureau de la Fédération Parapluie Rouge nous ont confirmé ensuite n’avoir pas été consultés pour prendre cette décision. Par ailleurs, toute radiation d’une organisation membre doit être demandée par 5 membres de la Fédération, puis votée en réunion à la majorité des deux tiers, ce qui n’a en évidence pas été le cas.
Une telle pratique de suspension apparait totalement antidémocratique, en particulier en réponse aux nombreux points politiques qu’avait soulevé le STRASS, toujours sans réponse. Les problèmes soulevés par le STRASS mériteraient une réponse autrement que sur la forme des échanges, des accusations de mauvais comportement, de mal parler, ce qu’on appelle en anglais du « tone policing ».
- Le STRASS défend une organisation communautaire des luttes
Les règles d’admission de la Fédération Parapluie Rouge sont clairement énoncées dans les statuts et sont issues des définitions internationales adoptées par ESWA (réseau européen) et le NSWP (réseau mondial des sex workers) en ce qui concerne l’identité communautaire d’une organisation. Que certaines associations ne remplissent plus les critères est un fait qui ont conduit Arap Rubis, le Bus des Femmes, puis Cabiria à quitter d’elles-mêmes la Fédération. Ces départs n’ont jamais été à la demande du STRASS, qui n’a jamais « fliqué » les membres pour savoir s’ils respectent ou non les critères, mais nous accueillons favorablement ces clarifications et rappelons notre souhait que les travailleurSEs du sexe soient les leaders de leur propre mouvement et puissent représenter directement leur organisation au sein de la Fédération Parapluie Rouge sans besoin d’intermédiaires non concernés.
- Le STRASS a appelé à voter pour le Nouveau Front Populaire contre l’extrême droite
Nous assumons être une organisation syndicale et donc politique, une organisation antifasciste, et encourager la Fédération Parapluie Rouge à adopter une vision politique claire, telle qu’énoncée par les statuts de la Fédération, à savoir les principes listés dans l’article 3 :
« – le non-jugement des personnes et de leurs comportements sexuels,
– le respect de l’autodétermination et du libre arbitre,
– la reconnaissance de l’expertise des premierEs concernées,
– la lutte contre la stigmatisation et/ou la pénalisation des PVVIH et/ou personnes issues des populations clés et/ou de leurs partenaires sexuels,
– la diffusion de messages et la distribution d’outils de prévention dans un objectif de réduction des risques,
– la lutte contre toutes les approches morales et/ou répressives de la question du travail sexuel. – la lutte contre toutes les idéologies discriminatoires »
Nous estimons que les politiques promues par l’extrême droite sont en contradiction directe avec ces principes et qu’il est de notre responsabilité de nous opposer publiquement à ces politiques pour le bien de nos communautés.
Les reproches adressés publiquement au STRASS de ne pas inclure les collègues qui votent RN, en inversant les principes d’inclusion des TDS subissant des discriminations structurelles au profit d’une dépolitisation de nos luttes, n’ont suscité aucune réaction, autre que d’interdire la colère légitime et saine de notre représentante, par ailleurs militante trans et juive décoloniale.
- Le STRASS a souhaité que les 50 ans de l’occupation de l’église St Nizier soit un événement politique utile aux luttes et assume la conflictualité avec la mairie de Lyon
Nous n’avons jamais caché notre volonté de faire des 50 ans de l’occupation de St Nizier un événement politique, sans nous opposer à d’autres initiatives qui se contenteraient d’une approche commémorative et conviviale. Nous nous interrogeons sur le fait qu’il n’ait jamais été discuté la demande faite par la mairie de Lyon d’exclure le STRASS de l’organisation des 50 ans de St Nizier, tandis qu’étrangement le STRASS se trouve suspendu au même moment pour des motifs plus que discutables.
Il nous apparait plus que choquant que la mairie de Lyon tente une communication et récupération politique autour de cet événement historique fondateur de nos luttes, alors même que les travailleurSEs du sexe subissent ses arrêtés municipaux depuis + de 20 ans !
Que des associations aient des approches différentes est légitime, tout comme le fait qu’elles dépendent financièrement de subventions publiques. En revanche, le STRASS ne devrait pas se voir censuré, ni opposé, aux intérêts d’autres associations sous prétexte de nos positions politiques, et les tentatives de chantage de la part des pouvoirs publics devraient être dénoncés publiquement par l’ensemble de la Fédération.
- Le STRASS apporte financièrement à la FPR et n’a qu’une seule salariée
Contrairement aux représentations mensongères que subit le STRASS, nous faisons partie des organisations membres de la Fédération avec le plus faible budget, et nous n’avons qu’une seule salariée. Cela n’empêche pas nos membres de chercher des financements pour la Fédération, comme lors de la crise MKpox, ou bien grâce à nos contacts avec le réseau européen des travailleurSEs du sexe. Devoir subir publiquement des reproches de ne pas prendre en compte ou favoriser les militants bénévoles pour mieux s’opposer à notre coordinatrice salariée, alors que la quasi-totalité de notre travail militant est bénévole est cocasse. Ces reproches sont d’autant plus incompréhensibles qu’ils proviennent d’une personne qui a bénéficié d’un travail rémunéré il y a deux ans grâce à l’argent apporté à la Fédération lors de la crise MKpox qui concernait principalement les hommes travailleurs du sexe en région parisienne, communauté dont elle est éloignée, et ce grâce aux efforts de l’actuel trésorier du STRASS. A cause d’un mauvais reporting, et d’une distribution de chèques services ne prenant pas correctement en compte les données épidémiologiques (pour le dire poliment), 120,000€ de renouvellement de subvention par la Direction Générale de la Santé qui devaient avoir lieu en deuxième versement, ont été perdus. Pire, en mentant sur une distribution équitable aux associations membres de la Fédération Parapluie Rouge alors que certaines n’ont reçu aucun chèque, l’association membre Acceptess-T, citée parmi les bénéficiaires dans le rapport d’activité, n’a pas pu obtenir d’autres sources de chèques services au motif qu’elles en avaient déjà reçu via la Fédération, alors même que leurs usagères étaient très concernées par le MkPox. De la même manière, la Fédération Parapluie Rouge, a obtenu une subvention de l’UE nommé Projet CORE grâce au soutien du réseau européen ESWA concernant l’amélioration des pratiques de dépistage pour les travailleurSEs du sexe en France. L’argent reçu a permis de payer des salaires mais à ce jour, à part des réunions inutiles pour en discuter, aucun travail réel n’a été réalisé à ce sujet. La FPR n’est plus capable de produire un travail d’expertise et de plaidoyer au niveau national. Tandis qu’autrefois une cinquantaine de rendez-vous de plaidoyer avaient lieu chaque année, il n’y en a quasiment plus aujourd’hui, alors même que Sidaction finance la Fédération précisément pour ce travail qui n’existe plus.
- Le STRASS déplore un deux poids deux mesures puisque nous sommes diffaméEs publiquement sur les réseaux sociaux alors que nous respectons les règles de la Fédération
Nous regrettons que les précautions que nous avons toujours prises pour ne pas nuire à la Fédération et à la cause, ne soient jamais prises à notre égard, comme s’il était normal et justifié de s’en prendre publiquement à nous, sur les réseaux sociaux, et jusqu’à la distribution de tracts anonymes diffamatoires dans les toilettes des événements que nous organisons. Lorsque l’actuelle coordinatrice de la Fédération Parapluie Rouge couvre ouvertement les personnes qui pratiquent ces méthodes, allant jusqu’à faire le guet devant les toilettes lors d’un événement célébrant les 50 ans de nos luttes, on comprendra que la confiance n’est plus de mise. Les points politiques que nous portons devraient rencontrer une réponse par le débat, au lieu des procès d’intention et des fausses tentatives de médiation qui se résument à ostraciser nos membres et à chercher des motifs d’exclusion non conformes aux statuts de la Fédération.
- Les prises de positions publiques de la Fédération ne sont plus conformes aux principes des luttes TDS
Le 2 juin dernier, le STRASS a communiqué contre la plaque de la mairie de Lyon dénonçant un pinkwashing, une dépossession, et un effacement de nos luttes alors que la mairie continue d’appliquer des arrêtés municipaux contre les travailleurSEs du sexe. La veille, une Assemblée Générale avait décidé au consensus de perturber cette cérémonie, en particulier pour interpeller le maire ou ses représentants, et dénoncer la présence du Mouvement du NID. Cette cérémonie n’a toutefois pas eu lieu car la mairie a prétexté une alerte orage pour une pluie qui n’est finalement pas tombée. Nous savons très bien que la mairie a été informée de notre action par les mêmes personnes qui avaient donné leur accord pour cette plaque sans consulter personne au sein de la Fédération Parapluie Rouge, sachant l’opposition qu’elle susciterait. Pire, la Fédération Parapluie Rouge a publié ce jour-là un contre-communiqué pour célébrer la plaque, et adressant ses pensées au père Delorme du Mouvement du NID… Ce communiqué n’a évidemment pas été, ni discuté, ni acté, au sein de la Fédération Parapluie Rouge.
Nous ne pouvons plus garder le silence sur des dérives qui ne nous semblent plus réparables. Le départ du STRASS intervient au même moment que celui d’autres associations comme Queer Auvergne, ou le collectif des femmes de Strasbourg St Denis. Nous savons que d’autres organisations prévoient de quitter elles-aussi la Fédération. La plupart d’entre elles n’y participent plus depuis longtemps. Les dernières réunions n’ayant rassemblé que trois ou quatre personnes.
Que des stratégies et visions politiques différentes de celles du STRASS existent, est normal. Que certaines TDS croient dans des politiques de la respectabilité et des processus de reconnaissance institutionnelle, notamment pour obtenir des subventions, peut s’entendre. Mais cela ne peut se faire en trahissant les principes et le fonctionnement démocratique, et en sabotant le travail militant collectif, et l’expertise, qui sont pourtant la raison première des soutiens obtenus jusqu’à présent par nos financeurs et alliés. En brisant cette confiance, c’est tout notre mouvement qui est mis en danger.
C’est pourquoi, nous appelons l’ensemble des travailleurSEs du sexe et de leurs organisations à se rassembler pour trouver des alternatives afin de maintenir une organisation centrée sur la lutte et le respect du travail militant, en faveur du collectif et de processus démocratiques plutôt que pour servir des trajectoires individuelles. Les luttes des travailleurSEs du sexe méritent mieux. Une recomposition et des clarifications sont nécessaires. Nous serons au rendez-vous pour porter l’avenir du combat.