Pour Véro

Ce samedi 14 mars au soir, nous apprenions qu’une de nos amies et collègues, travailleuse du sexe et membre du STRASS s’était suicidée. Face à des difficultés financières et psychologiques, Véro a préféré nous quitter. Avec tristesse, nous respectons son choix. Avec amertume, nous nous demandons ce que nous aurions pu faire, ce que nous aurions dû faire pour que Véro soit encore avec nous aujourd’hui. Avec colère, nous accusons ceux et celles qui continuent d’ignorer nos demandes et qui continuent à nous pousser toujours plus dans la pauvreté et la vulnérabilité.

Nos appels sont souvent accusatoires mais notre colère est notre seule arme contre cette détresse qui nous gagne chaque jour quand nous apprenons qu’une de nos amies a été violée, qu’une autre a été expulsée, ou comme aujourd’hui qu’une d’entre nous s’est suicidée.

En Juin, le mouvement des travailleuses du sexe aura 40 ans.

40 ans de luttes depuis l’occupation de l’Eglise de St Niziers. 40 ans à nous battre pour que nous puissions enfin vivre libres de la violence, des descentes de police, du regard méprisant de celles qui veulent nous sauver contre notre gré, et des coups et insultes de ceux qui voudraient nous voir disparaitre. 40 ans de luttes et les choses s’empirent. Éloignées des centre-villes, continuellement victimes de violence, évitant du mieux que nous pouvons la police, nous sommes pourtant toujours là. Plus solidaires que jamais, plus vocales que jamais mais également plus vulnérables, plus précaires, plus isolées.

Ce 20 mars, le STRASS aura 6 ans.

6 ans de luttes, de manifestations, de soutien juridique et émotionnel à nos collègues victimes de violence, de rencontres avec nos camarades et alliés syndicalistes, féministes, LGBT et anti-raciste. 6 ans de luttes et les choses s’empirent. Depuis le début du débat sur la pénalisation des clients, les violences augmentent. Comment pouvez-vous ne pas le comprendre ? Alors que le racisme et les violences contre les immigréEs se banalisent et que les effets des mesures d’austérité fragilisent nos vies déjà précaires, vos débats toxiques sur la pénalisation des clients et l’abolition de la prostitution n’ont fait qu’accroitre notre vulnérabilité.

Véro était une de nos collègues, camarades et amies. Depuis des années, elle se battait pour mobiliser ses collègues à Bordeaux. Elle nous avait confié son sentiment d’isolement, ses difficultés mais aussi ses espoirs, sa volonté de changer les choses. Mais comme pour beaucoup de travailleuses du sexe, les choses ne se sont pas améliorées. Comme pour beaucoup d’entre nous, le débat sur la pénalisation des clients avait entrainé une diminution des clients, une chute des revenus et une plus grande précarité. Comme beaucoup d’entre nous, le combat de Véro pour le respect de nos droits, son militantisme était volontaire. Chaque journée passée à essayer d’organiser ses collègues afin de se battre contre cette loi stupide et dangereuse était une journée en moins à gagner sa vie.

Les liens entre suicide et précarité ont été démontré à maintes reprises et sont de plus en plus apparents dans notre société qui préfère protéger les riches et criminaliser les pauvres que trouver des solutions humaines et justes. En tant que travailleuses précaires, au nom de Véro et de toutes nos collègues qui, épuisées par ces luttes quotidiennes contre la pauvreté et pour leurs droits, ont choisi ou envisagé le suicide, nous demandons encore une fois, que l’on nous donne plus de choix, pas moins. Nous pénaliser nous ou nos clients ne fait que nous pousser davantage dans la précarité, la pauvreté, l’isolement et la détresse.

Aujourd’hui nous pensons à elle, a sa famille et à ses ami-es. Nous pensons à toutes les travailleuses du sexe, précaires et isolées. Soutenons-nous mutuellement. Battons-nous pour nos droits.

Continuons le combat auquel Véro croyait.

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