En France, la prostitution est définie largement. Il s’agit du fait de « se prêter, moyennant une rémunération, à des contacts physiques de quelque nature qu’ils soient, afin de satisfaire les besoins sexuels d’autrui ». Un simple contact (comme un massage) à des fins sexuelles suffit.
Offrir un rapport sexuel, ou tout autre contact à des fins sexuelles, en échange d’une rémunération n’est pas interdit par la loi MAIS à certaines conditions : vous devez être majeurE et ne pas être « particulièrement vulnérable » (en raison d’une maladie, infirmité, déficience physique ou psychique ou grossesse).
Bien qu’autorisée par la loi, les actes sexuels tarifés impliquant des adultes est strictement encadré :
- L’achat de services sexuels est interdit;
- l’acte sexuel doit être accompli avec le consentement libre et éclairé de chaque partenaire, sous peine de sanction pour agression sexuelle;
- l’acte sexuel ne doit pas être imposé à la vue d’autrui dans un lieu accessible aux regards du public, sous peine de sanction pour exhibitionnisme ;
- toute personne qui, en connaissance de cause, provoque, facilite ou tire profit de l’exercice de la prostitution d’autrui peut être punie en tant que proxénète.
Selon le cas, unE travailleurSE du sexe peut donc être considéréE soit comme l’auteur soit comme la victime d’une infraction, voire les deux à la fois.
Traite et proxénétisme
La loi française définit très largement le proxénétisme et la traite aux fins de proxénétisme. Vous bénéficiez donc d’une protection renforcée.
Même en l’absence de toute contrainte, est puni de 7 ans de prison et 150 000 euros d’amende :
- le fait de vous provoquer à vous prostituer ou à continuer;
- ou le fait de vous aider à vous prostituer, y compris en vous fournissant un véhicule ou un local; la loi impose donc aux hôteliers et propriétaires de logements de vous refuser dès qu’ils soupçonnent votre activité ;
- ou le fait de sciemment tirer profit de votre prostitution.
Même en l’absence de contrainte, la traite est également sévèrement punie. Il est interdit de vous recruter, transporter, transférer, accueillir ou héberger pour faciliter la commission d’un fait quelconque de proxénétisme contre vous.
Mais la large définition du proxénétisme et de la traite a plusieurs inconvénients :
- toute personne (chauffeur, garde du corps, webdesigner, hébergeur de votre site, etc.) qui vous fournit un service, en sachant que cela vous aide à exercer votre activité, s’expose à une sanction sévère ;
- toute autre personne de votre entourage, y compris les membres de votre famille (sauf vos enfants mineurs), peut être accusée de proxénétisme dès qu’elle vous aide à exercer votre activité ou en tire un profit quelconque. Attention: en cas de vie commune ou de relations habituelles, vos proches doivent impérativement pouvoir prouver que leur train de vie correspond à leurs revenus personnels.
- vous pouvez vous-même être accuséE de proxénétisme quand vous aidez unE autre escortE, que ce soit gratuitement ou non. Attention: seul le fait de réaliser avec une autre escortE une prestation sexuelle pour le ou la même clientE est toléré par la justice.
Arrestation, perquisition, détention
Depuis l’abrogation du délit de racolage public, il est plus compliqué pour la police de justifier une intervention à votre domicile.
Celle-ci peut être justifiée si un client se trouve chez vous afin de procéder à son arrestation si vous êtes mineurE ou particulièrement vulnérable. En effet, la garde à vue n’étant autorisée que pour les crimes ou délits punis d’une peine d’emprisonnement, les clients ne peuvent pas être mis en garde à vue quand la/le travailleurSE du sexe est majeure et non particulièrement vulnérable.
Dès lors, la police n’a pas le droit de venir à votre domicile/lieu de travail pour procéder à un contrôle d’identité ou une perquisition.
Un contrôle d’identité dure 4h maximum, à votre domicile ou au poste. Si vous ne pouvez pas ou refusez de prouver votre identité, il est possible que vos empreintes et votre photographie soient prises.
Pour être légale, une perquisition doit remplir certaines conditions :
- il faut qu’il y ait une infraction pénale flagrante ou une enquête en cours sur vos agissements (sinon, vous pouvez vous opposer à ce que la police entre chez vous);
- la perquisition doit avoir lieu entre 6h et 21h (sauf cas de proxénétisme ou de prostitution de mineurE);
- la perquisition doit être effectuée par un officier de police (pas un simple agent);
- un procès-verbal doit décrire le déroulement de la perquisition et mentionner tous les objets saisis;
- les objets saisis doivent avoir un rapport direct avec les faits qui vont sont reprochés (argent, ordinateur, fichiers, livre de comptes, etc.).
Attention : la saisie de vos livres de comptes par la police, même illégale, peut entraîner un recouvrement fiscal s’ils sont transmis au Fisc…
Attention : la définition large du proxénétisme en droit français peut expliquer une enquête sur vos agissements et entraîner une perquisition.
Puis, vous pouvez être arrêtéE et placéE en détention
- soit en garde à vue, avant d’être présentéE au procureur (pour un rappel à la loi) ou au juge (pour votre jugement); vous pouvez refuser votre « comparution immédiate » devant le juge et demander à être jugéE plus tard (pour avoir le temps de préparer votre défense) MAIS, avant de prendre une décision, vérifiez avec votre avocat si vous ne risquez pas d’être placéE en « détention provisoire » jusqu’au jugement (surtout si vous êtes étrangerE et en situation irrégulière) ;
- soit en centre de rétention en vue de votre éloignement du territoire français (si vous êtes étrangerE et en situation irrégulière).
Ces mesures peuvent entraîner votre fichage (empreintes digitales et photo).
Porter plainte
Toute personne, même sans papiers, a le droit de déposer plainte contre toute atteinte à ses droits, dans le poste de police ou de gendarmerie de son choix (ou par courrier adressé au procureur). Si vous allez au poste, n’en repartez pas sans avoir d’abord obtenu le récépissé du dépôt de plainte ET la copie du procès verbal. Si vous ne parlez pas le français, la police doit vous fournir un interprète.
Le fait de commettre une agression à l’encontre d’unE travailleurSE du sexe dans le cadre de son activité est une circonstance aggravante.
Attention : déposer plainte implique de révéler son identité, laquelle peut ensuite être communiquée à l’auteur de l’agression. D’autres options peuvent être envisagées si vous craignez pour votre sécurité (signalement anonyme, main-courante, témoignage avec coordonnées cachée ou identité protégée). Si vous déposez plainte, sachez néanmoins que le fait de chercher à vous intimider ou de vous menacer est sévèrement puni par la loi.
La loi condamne toute atteinte portée à votre personne ou à vos biens, en particulier :
- le viol ou toute autre forme d’agression sexuelle (quand un acte sexuel est obtenu par la violence, la contrainte, la menace ou la surprise);
- le proxénétisme (en particulier, quand une personne vous contraint à vous prostitueren usant de pressions, de force, de menace ou en abusant d’une situation vulnérabilité ; ou vous fournit un véhicule ou un local moyennant une contrepartie qui vous paraît excessive ; ou encore vous extorque tout ou partie de vos revenus) ;
- la traite aux fins de proxénétisme (quand une personne vous recrute, transporte, transfère, héberge ou accueille, contre rémunération, en vue de permettre la commission de faits de proxénétisme contre vous);
- les menaces ou violences (injures, coups, torture, etc.);
- le vol;
- la destruction de vos documents d’identité ou de voyage.
Rappel : après dépôt de plainte, si aucune enquête n’a été ouverte par le procureur, vous pouvez l’y forcer en vous « constituant partie civile ». Une somme d’argent, dépendant de vos revenus, vous est alors demandée ; elle vous sera rendue à la fin de la procédure, sauf si le juge conclut que votre plainte était abusive.
Nos conseils
- SOYEZ ATTENTIVE À CHAQUE DÉTAIL, car la moindre irrégularité de procédure, la moindre violation de vos droits par la police, peut vous éviter d’être condamnéE ou éloignéE du territoire. Pour bien connaître vos droits, voir, notamment, les fiches pratiques du STRASS «Vos droits » .
- N’OUVREZ PAS LA PORTE à un officier de police ou de gendarmerie avant d’avoir vérifié sa carte (glissée sous la porte) et appelé le commissariat pour vérifier son identité et la raison de sa présence.
- RESTEZ CALME ET POLIe, afin d’éviter d’être accuséE d’outrage, de rébellion ou de violence contre un policier ou un gendarme.
- NE SIGNEZ PAS UN PROCÈS-VERBAL si vous n’êtes pas d’accord avec son contenu. Si vous le signez, faites-le seulement après avoir précisé sur le procès-verbal les raisons de votre désaccord.
- Si vous êtes étrangerE et en situation irrégulière, CONTESTEZ systématiquement les mesures décidant de votre éloignement ou prolongeant votre rétention. Une association présente en centre de rétention peut vous y aider (gratuitement).
- En cas de violences physiques ou sexuelles, ALLEZ IMMÉDIATEMENT AUX URGENCES pour les faire constater.
- EVITEZ D’ALLER SEULe AU POSTE POUR PORTER PLAINTE, en particulier si vous êtes étrangerE et en situation irrégulière.
- RESPECTEZ LES RÈGLES DU BON VOISINAGE afin d’éviter que votre activité ne soit signalée à votre propriétaire (qui sera obligé de mettre fin au bail), à la police ou au Fisc.
- NE RESTEZ PAS ISOLÉe. N’hésitez pas à prendre contact avec le STRASS ou une association communautaire présente dans votre région. Par exemple, l’association Griselidis a rassemblé dans un guide disponible en ligne des conseils pour assurer votre sécurité.
- ATTENTION: le seul fait d’être escortE ne justifie en rien que l’on vous retire votre enfant. En cas de crainte, n’hésitez pas à nous contacter pour plus de renseignements.
10 juin 2016