Crise du Coronavirus : les vies des travailleurSEs du sexe (et les vôtres) sont en danger !

L’épidémie du Coronavirus nous prouve qu’il est plus que temps de changer de paradigme.

Chaque jour passe, et de plus en plus de collègues inquiètEs de la nouvelle situation nous demandent conseil. Les recommandations changent presque d’un jour à l’autre, jusqu’à l’obligation de confinement qui signifie notre mort sociale. Les travailleurSEs du sexe sont pour beaucoup en « temps normal » déjà en situation de précarité. Depuis 2016, nous dénonçons la précarisation générée par la pénalisation des clients. Or, cette fois, nous ne pouvons plus travailler et ne savons pas combien de temps cela va durer.

Notre exclusion du droit du travail pour des raisons purement idéologiques et morales signifie que nous ne pouvons pas bénéficier des mêmes protections sociales que les autres travailleurs : pas de chômage technique, pas de droit de retrait, pas d’arrêt de travail, pas de congés payés. Même les travailleurSEs du sexe reconnuEs comme travailleurSEs indépendantEs bénéficient de droits limités ne permettant pas de faire face à cette crise.

Depuis 2016, un « parcours de sortie de la prostitution » existe mais dans des conditions si déplorables qu’il est inaccessible pour la plupart d’entre nous et ne « donne droit » qu’à 330 euros par mois, c’est-à-dire moins que le RSA. Ce dispositif hors droit commun est évidemment d’autant plus inadéquat en temps de crise puisqu’il n’a jamais été pensé pour réellement aider qui que ce soit, mais plutôt uniquement pour donner bonne conscience à ceux qui veulent notre « abolition ». Nous posons donc la question suivante : comment sommes-nous supposéEs survivre sans aucun revenu ?

Quand nous n’avons rien pour subvenir à nos besoins vitaux et que nous pensons aux centaines de milliers d’euros accordés par l’État pour « sauver » les personnes prostituées et qui servent en réalité à payer les salariéEs d’associations abolitionnistes, nous sommes encore plus nauséeusEs»

Les travailleurSEs du sexe ont connu de nombreuses épidémies au cours de l’histoire. Nous sommes même souvent les « premièrEs acteurICEs de prévention » puisque les personnes en situation d’hétérosexualité ont en grande partie échappé au VIH et IST grâce à nous. L’histoire nous a montré que notre santé est loin d’être une préoccupation des gouvernants. En revanche, nous devenons une question de santé publique dès lors que nous sommes considéréEs comme des « vecteurs de maladies ».

Que les choses soient donc claires dès à présent : les hommes ne vont pas s’arrêter de chercher de l’affection et du contact physique alors qu’ils sont anxieux et s’ennuient dans leur confinement. Au contraire, la rencontre sexuelle reste une pulsion de vie en période difficile. De nombreux clients nous ont toujours demandé des rapports sans préservatif malgré les risques pour leur santé. Pourquoi auraient-ils peur aujourd’hui quand les médias ont répété que le coronavirus ne tuait qu’une minorité de personnes âgées. Pourquoi auraient-ils peur alors qu’ils n’ont jamais eu peur du VIH hier, quand ils pensaient que cela concernait surtout les homosexuels et le continent africain ?

Pour l’instant, nous observons une grande responsabilité de la part de notre communauté qui globalement respecte les consignes de santé. Mais pour combien de temps encore ? Le confinement risque de durer longtemps, or nous aurons touTEs besoin tôt ou tard de gagner de quoi couvrir les frais de la vie courante. Si aucune réponse sérieuse à cette question n’est apportée, il ne faudra pas se faire d’illusion sur la propagation du virus, en particulier si les plus jeunes parmi nous sont asymptomatiques.

Il est urgent de repenser la solidarité et la protection sociale pour y inclure tous les travailleurs, y compris celles et ceux de l’économie dite informelle. Il est temps de comprendre que les discriminations dans l’accès aux soins telles que les vivent les minorités et les migrants ne feront que faciliter les contaminations. Il est temps que la CMU soit réellement universelle et qu’elle inclue les sans-papiers au lieu de les stigmatiser au travers du dispositif AME. Il est temps de penser à la gratuité des services publics, des biens communs et des produits de première nécessité, ainsi qu’à des revenus décents en cas de non-travail (revenu étudiant, revenu universel, protection chômage, retraite, accident et maladie). Il est temps, enfin, de tout simplement respecter la vie humaine et d’accepter que la bonne santé des uns soit liée à celle de tous.

A cause des défaillances de l’État, notre syndicat est en train d’étudier la mise en œuvre de cagnottes de solidarité. Certaines ont déjà été créées à la suite d’initiatives personnelles de collègues. Nous communiquerons de nouveau très prochainement pour organiser plus concrètement la solidarité au bénéfice des plus précaires et fragiles parmi nous.

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