Appel à manifester 1er mai 2025

Comme chaque année, le STRASS appelle à prendre part aux différentes actions à l’occasion de la journée mondiale des travailleurs.

Nous avons décidé de répondre positivement à l’appel des Féministes Révolutionnaires pour former un bloc féministe et porter cette année la thématique dudit « travail féminisé » qui concerne évidemment les différentes formes de travail sexuel.

 

Féminisation du travail sexuel

Historiquement, le système patriarcal a assigné les femmes à un travail sexuel de reproduction et à un travail sexuel de divertissement, nous séparant entre épouses et mères légitimes, et « prostituées » ou femmes illégitimes. Au cours des luttes, de nombreuses taches autrefois non rémunérées et naturalisées dans la sphère familiale ont accédé à l’espace public et ont été professionnalisées, devenant des métiers dits du « care ».

Certaines stratégies féministes ont visé à retirer la dimension sexuelle du travail afin de donner une légitimité aux métiers notamment artistiques comme la danse, le cabaret, ou le théâtre. Ces luttes ont permis des avancées pour ces travailleuses qui ont enfin pu être reconnues comme des métiers à part entière, mais ont laissé sur le bord de la route les travailleuses du sexe, créant des phénomènes de spécialisation et de sous-catégorisation.

Loin de participer à abolir les industries du sexe, puisque ne s’appuyant jamais sur les besoins matériels réels des travailleurSEs du sexe, les politiques prohibitionnistes nous ont exclu de la classe des travailleurs et des acquis des luttes en faveur du droit du travail. Aujourd’hui, il est temps de repenser la question du travail sexuel, à partir du classisme, du racisme, et plus seulement du sexisme, dans une perspective réellement révolutionnaire, à commencer par avec les personnes concernées, et non en position de sauvetage par l’église ou l’état.

 

Nous sommes « ir-réinsérables »

Tous les programmes de réinsertion sociale n’offrent aux travailleuses du sexe « repenties » qu’un accès à des taches féminisées, en particulier dans le travail domestique et de nettoyage. Les promesses de régularisation se traduisent parfois par des pièges pour toutes celles qui ne parviennent pas à entrer dans le « parcours » officiel (plus de la moitié de refus), mais aussi pour de nombreuses collègues qui se voient refuser un renouvellement de titre de séjour après deux ans de « parcours de sortie de prostitution », ou dans le pire des cas, pour les victimes de traite, qui se retrouvent de nouveau expulsables après avoir aidé les autorités à identifier leur exploiteur.

Les réparations aux exploitations subies ne prennent jamais en compte la dimension de travail, par exemple, le nombre d’heures non rémunérées, et nos souffrances sont davantage instrumentalisées au profit de politiques anti-migratoires et anti-travail sexuel, plutôt que de répondre efficacement au besoin de lutter contre le travail forcé, la traite, et l’exploitation des mineurs, puisque les moyens d’hébergement, pour le séjour, ou l’Aide Sociale à l’Enfance, sont notoirement insuffisants.

 

Conditions de travail

Toutes les politiques visant à empêcher l’existence du travail sexuel ont eu pour principal effet de précariser et insécuriser davantage les travailleurSEs du sexe. Les industries du sexe non seulement n’ont pas disparu, mais sont en pleine expansion. Les risques de fermeture d’un salon de massage, d’un bar à hôtesse, ou d’un peep-show, font qu’aucune travailleuse du sexe ne souhaite alerter les autorités, puisque n’accédant jamais au droit du travail pour se protéger de l’exploitation, tandis que les infractions pénales signifient l’arrêt du travail sans droit au chômage ni compensation.

La pandémie du COVID-19 a révélé l’urgence et le besoin de protection sociale dans les industries du sexe, puisque toutes les personnes dans l’économie informelle n’ont pas pu être indemnisées, ainsi que celles qui ont du mentir sur l’intitulé de leur profession et à qui on a indiqué de continuer en télétravail leur « service à la personne » qui nécessitait pourtant un contact physique.

Nous avons besoin de contrats de travail dans les industries du sexe légales : pornographie, strip–clubs, peep show, etc. Or, certains syndicats s’opposent à la contractualisation du travail sexuel, au motif de dépossession ou d’amalgame avec le viol. Si nous sommes d’accord que les contrats de cession d’image sont une dépossession, le contrat de travail reste une revendication essentielle pour accéder à un minimum de droits et de protections. Les enjeux de requalification en salariat sont très importants pour nous, en particulier pour tous les nouveaux secteurs du numérique qui imposent un télétravail isolant mais avec de nombreuses règles en termes de présence, de comportements, de contrôle sur sa communication, et jusque dans la modération des forums d’échanges entre travailleurSEs du sexe et clients.

 

Que se passe t’il en Belgique ?

En 2020, la Belgique a annoncé la décriminalisation du travail sexuel. Celle-ci n’a pas consisté à un retrait du code pénal de toutes les infractions contre la « prostitution » mais davantage à une redéfinition, par exemple du proxénétisme, afin de permettre le droit à la location ou à l’entraide, en ne criminalisant que les propriétaires qui prélèveraient un loyer dépassant le prix moyen du marché, au lieu d’interdire comme en France et d’expulser les travailleurSEs du sexe de leur logement. Toutes les formes de contrainte, d’exploitation, de travail forcé, de traite, restent évidemment pénalement répréhensibles. Cela ouvre en revanche la voie à des possibilités d’auto-organisation, comme des coopératives.

A présent, la Belgique tente d’inscrire les travailleurSEs du sexe dans le droit du travail, avec des spécificités, comme le droit de refuser un client, ou des pratiques demandées par un client. Ces mesures sont critiquées par les prohibitionnistes comme une obligation à accepter un client après 10 refus, ce qui n’est pas le cas dans les faits, la travailleuse du sexe peut ensuite obtenir une médiation et une formation professionnalisante si elle estime ne plus vouloir faire de clients. L’exposition aux IST vient d’être reconnu comme risque et maladies professionnelles avec les protections afférentes. Le droit à la retraite, au chômage, aux diverses indemnisations de protection sociale deviennent enfin possibles.

Il est encore trop tôt pour présenter la Belgique comme modèle car nous avons besoin d’évaluer les nouvelles lois et pratiques, mais il est certain que le dialogue entre les organisations de TDS et les autorités belges devrait inspirer la France et les mouvements syndicaux et féministes.

Venez avec un parapluie rouge pour rejoindre le bloc des Féministes Révolutionnaires

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