Discours du STRASS lors de la conférence de presse annonçant le recours devant la CEDH

Bonjour,

Je suis Anaïs de Lenclos, porte-parole du STRASS, le Syndicat du Travail Sexuel. Je n’ai que quelques
minutes pour vous dire en quelques mots les raisons pour lesquelles, nous, les travailleuses du sexe,
entamons cette procédure pour attaquer la France devant la cour européenne des droits de
l’homme.

La pénalisation des clients, présentée comme une loi pour nous aider et nous sauver, est en réalité
combattue principalement par les travailleuses du sexe elles-mêmes et eux-mêmes. Nous subissons
une propagande de guerre, puisque c’est bien une guerre idéologique qui nous est menée. Et comme
dans toute propagande, les pires mensonges et diffamations circulent, comme celui que la
pénalisation des clients serait pour notre bien.

Ce mensonge est possible uniquement parce que des personnes autoproclamées « défenseurs
des prostituées » passent en réalité leur temps à invalider et disqualifier notre parole. Soit nous
serions des victimes incapables manipulées par des proxénètes, souffrant d’un syndrome de
Stockholm, soit nous serions un lobby de proxénètes. Ces personnes bénéficient de millions d’euros
de subvention publiques, notamment des organisations chrétiennes, et malgré tous les grands
discours sur la laïcité, c’est le dogme chrétien de réhabilitation des femmes déchues, ayant pour
devoir la repentance, qui prévaut.

Lorsque nous alertons sur l’augmentation des violences, de l’exploitation, de la dégradation de notre
santé, de notre précarisation, nous sommes accusées de mentir. Le gouvernement précise même en
réponse à une question parlementaire qu’il ne tient compte que des retours des organisations qu’il
finance, et comme le financement est réservé aux associations agréées ayant pour but principal la
« sortie de la prostitution », les voix des travailleuses du sexe sont systématiquement ignorées.

Nos alertes ne sont pourtant pas que des mots, mais bien des réalités vécues dans nos chairs. Il y a
deux jours, notre porte-parole à Marseille Maïa décidait de nous quitter, tout comme l’a fait Véro,
notre représentante à Bordeaux en 2016, lorsque la pénalisation des clients signifiait qu’elle n’avait
plus assez de revenus pour payer ses dettes et les amendes des arrêtés anti-prostitution. Oui la
stigmatisation du travail sexuel et sa pénalisation nous tuent.

Ces trois derniers mois, nous avons appris trois meurtres de travailleuses du sexe, l’une égorgée,
l’autre retrouvée ligotée dans le Rhône, une autre encore retrouvée découpée en morceaux. Qui en
parle ? Ce sont des agressions de plus en plus violentes que nous vivons, comme celle qui a tué
Vanesa Campos, obligée de travailler dans un endroit non éclairé du bois de Boulogne, où les clients
acceptaient de se rendre, pour ne pas être vus par la police. L’arme qui l’a tuée appartenait à un
policier, volée alors qu’il se rendait voir une travailleuse du sexe, mais il n’a rien signalé par peur de
se dénoncer lui-même comme client.

Les conséquences de cette loi nous les vivons directement. Des membres du STRASS qui deviennent
séropositifs, accumulent les syphilis et les gonococcies faute de pouvoir imposer le préservatif. A titre
personnel, j’ai été violée il y a un an car je me suis retrouvée à devoir accepter un homme qui s’est
finalement avéré être un agresseur et non un client. Je n’ai pas de suite porté plainte parce que je
savais que je prenais le risque de perdre mon appartement si la police apprenait le lieu et les raisons
de mon agression.

C’est ce qui est arrivé à la secrétaire générale du STRASS, virée de son appartement après que son
propriétaire ait découvert la vérité sur son travail, à cause des lois sur le proxénétisme hôtelier. Se
retrouver à la rue, être violée, tuée, poussée au suicide ou aux contaminations, voilà les réalités et

les conséquences de l’idéologie abolitionniste et de la pénalisation des clients en France. Voilà
pourquoi nous n’avons pas d’autre choix, que d’attaquer la France en justice, ce pays qui bafoue nos
droits fondamentaux et nous nie en tant qu’êtres humains.
Je vous remercie.

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