50 ans après Stonewall, les travailleurSEs du sexe LGBTIQ sont toujours en lutte!

Pour la première fois, le STRASS et Acceptess-T ont décidé de partager un char lors de la marche des fiertés LGBT de Paris. Ce choix n’a pas été simple et a suscité des débats internes. Partagées entre un refus de cautionner tout pinkwashing et homonationalisme qui ne manqueront pas de s’exprimer durant la marche, et la volonté de nous réapproprier un événement de lutte en rappel à ses origines, nous avons finalement opté pour une participation critique.

La marche des fiertés célèbre les émeutes de Stonewall contre les violences policières. Ce bar gay tenu par la mafia était fréquenté par des jeunes LGBTIQ dont beaucoup vivaient et survivaient en exerçant le travail sexuel. Les drag queens, travestis et personnes trans étaient particulièrement ciblées lors des descentes de police et la « prostitution » était bien-sûr un motif d’arrestation.

50 ans après ces émeutes, les mouvements dits LGBT ont obtenu de grandes avancées, mais à qui bénéficient elles? Les personnes LGBTIQ qui ont toujours subi le plus de répression ne sont certes plus arrêtées pour « homosexualité » mais continuent de l’être en tant que migrantes, ou travailleuses du sexe. Or, hier comme aujourd’hui, beaucoup de jeunes LGBTIQ n’ont pas d’autre choix que de migrer (s’exiler) et d’exercer le travail sexuel pour vivre et survivre.

50 ans après, nous avons le sentiment d’être toujours au même point. Pourtant, ce n’est pas faute d’avoir participé à toutes les luttes. L’agenda LGBT en se priorisant sur la thématique de l’égalité des droits, en a souvent oublié les impératifs de justice sociale. Si l’égalité signifie une réconciliation des LGBT blancs de classe moyenne avec les hétéros de leur classe, via l’entrée dans la famille et la visibilité dans l’entreprise, au détriment des LGBTIQ de couleur et des plus pauvres, ces luttes n’auront produit qu’une reconfiguration des inégalités et des rapports de domination.

Il est pour nous très difficile de devoir marcher aux côtés de nos oppresseurs, voire derrière eux. Pour nous, les travailleurs LGBTIQ sont représentéEs par leur syndicat et non par des entreprises, quand bien même les employeurs puissent être ouvertement gays ou s’affichant « gay friendly » pour des raisons commerciales. Nous regrettons que la marche soit en partie devenue un outil marketing pour des enseignes sans aucun moyen de vérifier que ces entreprises ne discriminent pas le reste de l’année.

Nous condamnons les carrés de tête qui invitent des personnalités politiques qui nous stigmatisent et nous oppriment. L’inter-LGBT a adopté en octobre 2018 l’inclusion des revendictions des travailleuses du sexe LGBTIQ. Comment dès lors, des personnes qui nous ont précarisé avec la pénalisation des clients peuvent elles se présenter en « alliées » de nos communautés comme si de rien n’était? C’est l’occasion de rappeler à la ville de Paris présente dans la marche via un char et sa maire, qu’elle colle des PVs aux trans du Bois de Boulogne via sa politique d’arrêtés municipaux et que cela doit cesser.

La marche des fiertés devrait être une arme pour rappeler le gouvernement à ses engagements et condamner ses politiques discriminatoires. Cela devrait être l’occasion de dénoncer l’hypocrisie des communications politiques à peu de frais. Comment le président de la République peut il se présenter en champion de la lutte contre le sida et pour le Fonds Mondial alors que la contribution française à ce fonds diminue depuis plusieurs années?

Comment accepter les discours prétendument gay friendly quand ce gouvernement limite le droit d’asile des personnes LGBTIQ persécutéEs et remet en cause le droit au séjour pour soins pour les séropos? Cette année, nos associations ont du suivre des dizaines de nouveaux dossiers à cause de refus de régularisation ou de renouvellement de titres de séjour pour des travailleuses du sexe trans séropositives qui ont du fuir leur pays d’origine.
Vanesa Campos, femme trans péruvienne et travailleuse du sexe a été assassinée en aout dernier à Paris. Nous marcherons avec elle dans nos cœurs ainsi que toutes nos collègues tuées, poussées au suicide et disparues. Contrairement à un graffiti sur un passage piéton arc en ciel condamné unanimement par la classe politique, la mort de Vanesa n’aura suscité qu’un silence gêné. Nous ne pouvons l’accepter, et c’est pour cela que nous ferons tout notre possible pour que notre présence rappelle que nous faisons partie des communautés LGBTIQ et de cette société qui nous préfèrerait mortes et malheureuses que vivantes, belles, et fières.

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