Lettre ouverte au MJS du Bas-Rhin

Le 2 février 2016, la fédération Alsace-Lorraine-Champagne-Ardennes du STRASS a reçu un e-mail de la part d’une  «animatrice fédérale du Mouvement des Jeunes Socialistes du Bas-Rhin » disant ceci :

«Le Mouvement des Jeunes Socialistes est une organisation politique de jeunesse, autonome du parti socialiste, et qui a à cœur de débattre avec des acteurs locaux et tout particulièrement des associations.

La question de la prostitution et la politique à adopter est une question complexe, qui nous intéresse tout particulièrement.

Ayant à cœur de débattre sur cette question avec des associations qui côtoient quotidiennement les principaux intéressés, nous organisons un week-end régional Alsace-Champagne-Ardennes-Lorraine sur la question des discriminations les 20 et 21 février prochains à Strasbourg.. Nous souhaiterions ainsi organiser une plénière sur la question de la prostitution et sur la politique à adopter en la matière, plénière qui rassemblerait des associations abolitionnistes et réglementaristes, afin d’avoir un débat éclairé sur la question et de pouvoir réfléchir collectivement.

Votre association, au plus proche de la protection des prositutié-e-s œuvre pour que cette population particulière ait une voix. Nous aimerions ainsi inviter l’un-e de vos intervenant-e-s à venir débattre avec nous lors de ce week-end. »

Donc, après, au moins, quatre ans de feu roulant répressif autant policier que législatif et médiatique de la part de ce gouvernement, et à un jour d’un énième vote à l’Assemblée Nationale d’une proposition de loi visant à criminaliser encore plus le travail sexuel en France, cette officine, pas  «autonome » du tout, du Parti Socialiste non seulement semble soudain découvrir le sujet du travail sexuel, mais a en plus le toupet de convier le Syndicat du Travail Sexuel a un événement qui tournera très prévisiblement, une fois de plus, à une grand-messe abolitionniste et prohibitionniste. Soit le MJS n’a aucune idée de ce qu’est le STRASS et de ses positions (indication : il n’est pas du tout  «réglementariste » comme le laisse entendre le MJS), soit il se paie ouvertement la tête du STRASS en cherchant à l’instrumentaliser, soit les deux.
Nous ne sommes bien sûr pas dupes. De tels événements, nous en avons vu passer beaucoup, et nous savons depuis longtemps qu’ils ne servent pas la cause des travailleurSES sexuelLEs mais qu’au contraire, ils la desservent fortement : en instrumentalisant la présence et la parole des travailleurSES sexuelLEs, en leur faisant dépenser leur temps et leur énergie en pure perte, en justifiant les discours mensongers des ennemiEs du travail sexuel. Il est hors de question que le STRASS se prête à ce jeu-là.
Le STRASS est un syndicat de travailleurSES, autogéré par les travailleurSES sexuelLEs elles/eux-mêmes, puisque le travail sexuel est bien un travail. Nous luttons notamment pour la reconnaissance par l’État du travail sexuel sous un régime de droit commun, pour l’abrogation de toutes les réglementations d’exception entourant le travail sexuel, et tout particulièrement contre toute criminalisation et pénalisation le concernant et concernant les travailleurSES sexuelLEs ainsi que leurs clientEs. (1), (2). A ce titre, nous menons depuis des années une lutte acharnée contre les intentions abolitionnistes et prohibitionnistes des gouvernements français successifs.
Nous sommes un syndicat de travailleurSES en lutte, et nos luttes sont des luttes de classe : nos solidarités se construisent avec les prolétaires, les exploitéEs, les pauvres, les sans-papiers, les habitantEs des quartiers populaires, les excluEs de la société… Nous échangeons régulièrement notre solidarité avec ces personnes, et nous construisons souvent nos luttes en commun. Mais nous n’avons aucun échange à avoir avec un establishment bourgeois qui nous méprise et exploite, et qui cherche à nous opprimer encore plus afin de mieux régner, qu’il se prétende  «socialiste » ou non. Nous n’avons rien à discuter avec ces gens, nous avons à les combattre. Notre libération ne se négocie pas, elle s’acquiert dans la lutte, y compris et notamment dans la rue, pas dans les anti-chambres ni dans des ateliers ou congrès organisés par nos oppresseurs et exploiteurs.
Nous sommes putes, fièrEs et dignes, et notre parole est et restera publique et libre, toujours dans la lutte, jamais dans la compromission.

STRASS – Syndicat du Travail Sexuel, le 8 février 2016

1) https://strass-syndicat.org/le-strass/nos-revendications/
2) https://strass-syndicat.org/ressources/proposition-de-loi-abolition-penalisation-des-clients/

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