LES TDS NE VEULENT PAS DE LA PREP !

Du 20 au 23 avril 2016 se tient à Bruxelles l’AFRAVIH, conférence internationale francophone VIH / Hépatites. Une bonne occasion d’échanger et de mettre en place des stratégies novatrices de lutte contre le VIH. Bien que nous croyons au bien fondé des ateliers et conférences, nous sommes profondément navré-e-s d’être – une fois de plus – utilisé-e-s, instrumentalisé-e-s par la lutte contre le VIH.

Nous avons découvert hier « L’appel de Bruxelles »1, qui plaide pour un accès universel à la PrEP (prophylaxie pré-exposition).

Nous comprenons tous les arguments avancés, la nécessité de nouveaux outils de prévention et réduction des risques, ainsi que les enjeux de santé (et financiers ?) autour de la PrEP. Et nous ne saurions nous opposer à cela en tant que tel.

Par contre, ce à quoi nous nous opposons fermement, c’est d’être utilisé-e-s comme un des « justificatifs » de cette nouvelle stratégie de prévention. Les travailleuses et travailleurs du sexe (TDS) sont déclaré-e-s ici comme des « personnes hautement vulnérables au VIH pour lesquelles les moyens de prévention traditionnels n’ont pas fonctionné ou ne sont pas adaptés ». Il semblerait donc, à en croire ce texte, que le préservatif ne serait pas adapté aux TDS. Ou encore que les moyens de prévention traditionnels n’auraient pas fonctionné pour les TDS.

L’idée développée est que « l’utilisation du préservatif reste, pour diverses raisons, loin d’être systématique chez les populations les plus vulnérables comme les professionnel(le)s du sexe (PS) ».

Outre l’abréviation « PS » sur laquelle on passera (qui montre bien le peu de prise en compte et de concertation), l’argumentaire fallacieux ne peut que nous faire bondir !

Si des prises de risques, comme des rapports sans préservatifs sont pris par les TDS dans le cadre de leur travail, ce n’est pas pour des « diverses raisons » (qui jette un voile plus que fumeux), mais notamment et en immense majorité à cause de situations sociales et économiques déplorables. Ne pas prendre en compte cette donnée spécifique des TDS et de leur rapport avec le VIH revient tout simplement à nier nos réalités !

Ce que veulent les TDS, ce ne sont pas des médicaments qui permettent de nous protéger du VIH lorsque les clients voudront des rapports sans préservatifs. Ce que nous voulons, ce sont des moyens de défense adéquats, des droits adéquats, qui nous permettent d’imposer nos conditions, comme celle du préservatif.

Dans une note publiée2 par le STRASS (Syndicat du Travail Sexuel) en mai 2014, il apparaît que « Si certain-e-s travailleur-se-s du sexe ont fait part de leur enthousiasme quant à ce nouvel outil de prévention, nous notons qu’il s’agit plutôt d’hommes gays qui ont déjà des rapports sexuels sans préservatifs et sont déjà informés sur cet outil. Cependant, dans la grande majorité des réponses que nous avons reçues, les travailleur-ses s du sexe, en particulier chez les femmes, ont davantage fait part de leurs réserves. ».

Aussi, est soulevée la question de l’accès aux services de santé pour les TDS, bien plus défaillant que notre utilisation du préservatif. Et cela en particulier à cause des politiques répressives à notre encontre.

Une autre problématique est le pouvoir que l’on accorde au client : on observe déjà dans de grandes villes comme Paris ou Bruxelles une augmentation des demandes de rapports sans préservatifs, sous prétexte d’une utilisation de la PrEP (!).

Depuis la parution de cette note, les occasions où le STRASS ou d’autres TDS ont pu s’exprimer à propos de la PrEP se sont multipliées. Diverses occasions où nous avons pu exprimer nos réserves, nos revendications, et notre parole.

Quant à l’idée que les TDS seraient des « personnes hautement vulnérables au VIH », cela pose encore question.

Si l’exposition au VIH est plus grande (CQFD : plus de rapports, plus d’exposition), la prévalence du VIH chez les TDS n’est quant à elle pas démontrée. C’est ce que révèle le rapport de Janvier 2016 de la Haute Autorité de Santé3, qui dit que « les données disponibles n’indiquent pas que l’activité prostitutionnelle soit en soi un facteur de risque d’infection au VIH/Sida ».

Ce travail de la HAS, qui à duré plus d’un an rassemble plus de 50 études quantitatives en Europe, et peut donc vraisemblablement être considéré comme des plus sérieux.

Hormis ces rapports existants, hormis les nombreux débats qui ont déjà eu lieu autour de la PrEP, où les TDS ont pu maintes et maintes fois s’exprimer sur leurs réticences, UTSOPI (Union des Travailleu(r)ses du Sexe Organisé-e-s Pour l’Indépendance) est présent et actif sur Bruxelles, là où cet appel à été rédigé. Nous regrettons profondément de ne pas avoir été sollicité-e-s, ne serait-ce que questionné-e-s à ce sujet.

Une fois de plus, les associations et lobby parlent à propos de nous, sans nous.

Une fois de plus, nous sommes vus uniquement comme « population cible », « vulnérable », « précaire », mais certainement pas comme des interlocuteurs assez valables pour nous demander notre avis.

Signataires :

UTSOPI (Union des Travailleu(r)ses du Sexe Organisé-e-s Pour l’Indépendance)

STRASS (Syndicat du Travail Sexuel)

1http://appel-bruxelles-prep.org/

2https://strass-syndicat.org/tag/trods/

3http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2016-04/rapport_etat_de_sante_des_personnes_en_situation_de_prostitution_et_des_travailleurs_du_sexe_vf.pdf

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