VIH et précarité des travailleurSEs du sexe: tout va très bien madame la ministre!

« Vous les travailleuses du sexe, vous n’êtes pas assez responsables. Vous ne prenez pas votre traitement correctement. Vous êtes un danger public en acceptant des rapports non protégés avec vos clients »

Voici comment nous recevons et comprenons ce qui se dit sur nous.

 

Pourtant en réalité, les travailleurSEs du sexe sont une des populations clés les plus engagées face au VIH avec des taux d’usage du préservatif et des outils de prévention bien supérieurs à la population générale. En Europe de l’ouest, si les personnes en situation d’hétérosexualité et de cisgendérisme n’ont pas été aussi touchées par le VIH qu’en Afrique, c’est parce que nous, les travailleuses du sexe, avons eu accès aux outils de prévention et les avons imposés à nos clients, à savoir ladite « population générale ».

 

Depuis 40 ans, la seule chose que nous avons obtenu grâce à la lutte contre le sida, ce sont des capotes gratuites, et depuis ces 5 dernières années… la PrEP !

« De quoi vous plaignez vous ? Vous pouvez bénéficier d’un parcours de sortie de la prostitution avec une allocation de 330 € par mois. » 

Merci le gouvernement, quelle générosité.

« Vous n’arrivez plus à négocier le préservatif depuis la dernière loi de pénalisation, et bien prenez la PrEP »

« Vous n’avez pas de papiers ? mais vous pouvez toujours vous soigner grâce à l’Aide Médicale d’Etat »

« Ah non on ne peut rien faire, c’est le ministère de l’Intérieur qui décide, pas nous »

« Ah non ça ne vient pas de chez nous, c’est le cabinet aux droits des femmes qui voulait cette loi de pénalisation des clients »

« Indemniser toutes ces personnes pendant le confinement ? c’est #trèscompliqué »

 

Le ‘quoi qu’il en coûte’, c’est pour sauver les banques, ça ne nous concerne pas.

La santé communautaire ? « On ne va quand même pas écouter ce lobby de proxénètes ! »

‘Non il n’y a pas de preuves que ça fonctionne. Non il n’y a pas de surveillance épidémiologique pour les travailleurSEs du sexe. 40 ans de lutte contre le sida et il n’y a toujours pas d’épidémio pour cette population clé. C’est parce que c’est #trèscompliqué. »

 

‘Ah vous êtes prostituée, mais pourquoi vous n’êtes pas venue plus tôt ? Non il n’y aucun effet indésirable avec ce traitement. Oui ça fonctionne très bien, ça a été testé sur des putes en Afrique. »

 

Si le client veut que je sois chez lui dans la demi-heure, comment je fais pour prendre ma PrEP deux heures avant ?

Après le dernier métro y a plus que les escortes qui se déplacent. Non je n’ai pas eu le temps de manger. Non je n’ai pas des horaires de sommeil fixe. Maintenant, il faut faire du chemsex pour des plans qui dépassent largement l’heure initialement prévue.

 

Je me réveille en pleine nuit pour aller vomir les pilules. Des allers et retours vers les toilettes qui durent plusieurs heures. A peine me crois je soulagé, que je vais pouvoir me rendormir, mais vingt minutes plus tard les douleurs reprennent. Je transpire, je larme, je morve, je crache, je suis épuisé.

« On vous avait pourtant dit de manger correctement pour prendre ce traitement »

« Est-ce qu’il vous reste des tickets service à distribuer ? »

 

« Non il faut reprendre rendez-vous. Il y a trois mois d’attente oui. Alors non moi j’ai monsieur j’ai pas madame. Ecoutez on ne comprend pas ce que vous dites, vous pourriez nous passer quelqu’un qui parle français s’il vous plait ? »

 

Quand une nouvelle loi de pénalisation apparait, que le travail sexuel est désorganisé, il faut se réorganiser. Il faut se rendre plus disponible, plus mobile. Je pars à Amsterdam, à Genève, à la frontière. Je ne peux pas me permettre d’être reconnue dans la ville où j’habite.

« Vous avez encore interrompu votre traitement, il va falloir suivre des séances pour vous apprendre à avoir une meilleure observance. »

 

Il faut payer les amendes, les PVs, les cotisations URSSAF, aller chercher la camionnette à la fourrière, merci le proxénétisme municipal. Toujours à côté de la plaque.

 

La santé globale, ça veut dire avoir une approche qualitative et pas que quantitative. Il ne suffit pas de nous donner des milliers de capotes, de médicaments, de tests de dépistage, de flyers et dépliants d’information sur comment bien se protéger. Nous savons comment utiliser un préservatif, mais si je ne fais pas au moins 50 euros pour payer ma chambre d’hôtel, je dors à la rue.

« J’ai dû frauder dans les transports pour venir chercher le colis alimentaire, du coup j’ai reçu une amende. Vous n’auriez pas des tickets à donner svp ? »

 

Tout va très bien madame la ministre, tout va très bien, tout va très bien. Tout va très bien madame la ministre, tout va très bien, tout va très bien.

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