Cette déclaration a été élaborée et ratifiée par 200 travailleuSEs du sexe et leurs alliés de 30 pays européens à la Conférence Européenne du Travail Sexuel, des Droits de l’Homme, du Travail et de l’Immigration qui s’est tenue du 15 au 17 octobre 2005 à Bruxelles.

Pourquoi avons-nous besoin d’une Déclaration des droits des travailleuSEs du sexe en Europe ?

Plusieurs approches de l’industrie du sexe et des travailleuSEs du sexe (femmes, hommes, trans’, incluant les migrantEs) ont été adoptées à travers l’Europe, allant de l’acceptation du travail sexuel comme travail reconnu accompagné de droits pour les travailleuSEs du sexe, jusqu’à la criminalisation des pratiques associées au travail sexuel, qui amènent la plupart du temps à la criminalisation du statut de travailleuSE du sexe, de leurs partenaires et de leurs clients.

Depuis quelques années, des mesures législatives qui restreignent les droits et la liberté des travailleuSEs du sexe prolifèrent, que ce soit au niveau local, national ou international, prétendant combattre le crime organisé et défendre la santé publique. En réalité, ces lois ou mesures sont instaurées contre les avis et les principes posés par l’ONU SIDA et l’OMS, organismes qui ont déclaré que les politiques de répression restreignant les droits des travailleuSEs du sexe sabotent les politiques de santé publique en rendant souterraine l’industrie du sexe et en faisant de la possession de préservatifs, pourtant essentielle au sexe sans risque, un crime. Ces lois sont également en contradiction avec la Résolution du Parlement Européen sur les violences faites aux femmes, qui appelle à la décriminalisation du travail sexuel et garantit aux prostituéEs les mêmes droits que les autres citoyenNEs, la protection de leur indépendance, de leur santé et de leur sécurité. Bien des mesures prises violent l’obligation des Etats vis-à-vis des lois internationales sur les droits de l’homme ; lois qui imposent de respecter, promouvoir et protéger les droits humains de toutes les personnes sur leur territoire, sans discrimination, et incluant le droit à la vie privée, à la vie de famille, de pouvoir légalement entrer et sortir de son pays, d’être protégéE contre la torture, les traitements dégradants et inhumains, contre la détention arbitraire et en faveur de la liberté d’expression, d’information, d’association et de circulation.

Malgré les faits qui montrent que les travailleuSEs migrantEs, dans tous les secteurs de l’économie, doivent faire face à des niveaux de plus en plus élevés d’abus et d’exploitation, en toute impunité pour les coupables, les réponses des pays européens se sont focalisées sur des lois restrictives, accordant peu d’attention à la protection des libertés et des droits des migrantEs. A l’heure actuelle, la Bosnie-Herzégovine et la Turquie sont les seuls pays, candidats à l’Union Européenne, qui ont ratifié la convention internationale des Nations Unies sur la Protection et les Droits de tous les travailleurs migrants et leurs familles, promulguée le 1er juillet 2003.

Les études réalisées sur les travailleuSEs du sexe et les organisations de travailleuSEs du sexe en Europe ont montré, avec des preuves substantielles, que les comportements et les lois discriminatoires, qui ne peuvent en fait être justifiées sous prétexte de protéger la santé publique ou combattre le crime organisé, réduisent les droits fondamentaux et les libertés des travailleuSEs du sexe, que ce soit au niveau local, national ou international. Ces pratiques sont menées sous couvert des organisations de travailleurs sociaux ou de santé, de logement, d’emploi, d’éducation et des systèmes de justice et des lois administratives.
Tous les pays ne sont pas cités ici, mais il n’y a pas un seul pays en Europe, incluant ceux qui ont régularisé le travail sexuel, où l’on ne rapporte pas des violations des droits de l’homme et des discriminations à l’encontre des travailleuSEs du sexe.

En Autriche, les travailleuSEs du sexe sont soumisES à des contrôles de santé sexuelle obligatoires, alors que les autres citoyenNEs, pourtant actiVEs sexuellement, ne le sont pas. Cette pratique désigne les travailleuSEs du sexe comme des personnes « non saines », en violation directe des principes de non-discrimination.

En Finlande, il est illégal pour les travailleuSEs du sexe de travailler ensemble pour assurer leur propre protection, les rendant coupables de proxénétisme, ce qui viole leur droit à se réunir pacifiquement, à s’associer et à s’assurer des conditions de travail favorables.

En France, l’enfant d’unE travailleuSE du sexe, lorsqu’il arrive à sa majorité, peut être poursuivi pour proxénétisme parce qu’il vit des revenus de son/ses parents travailleuSEs du sexe. Ceci est une violation du droit fondamental à une vie privée et à une vie de famille.

En Grèce, pays où le travail sexuel est légal et où les travailleuSEs du sexe ont un statut professionnel, unE travailleuSE du sexe ne peut pas se marier. Si elle/il le fait, alors elle/il n’est pas autoriséE à continuer de travailler légalement et perd sa licence. Les travailleuSEs du sexe sont ainsi forcéEs de choisir entre se marier/ avoir une vie de famille et travailler. Personne ne devrait être forcéE à de tels choix.

En Italie, la police confisque, détruit ou brûle, en toute impunité, les biens des travailleuSEs du sexe, violant ainsi le droit à la propriété et le devoir de l’Etat de le protéger, ainsi que son devoir d’assurer l’égalité de protection de touTEs les citoyenNEs en vertu de la loi contre les discriminations.

Aux Pays-Bas, pays où le travail sexuel est accepté et légal, les travailleuSEs sexuelLEs migrantEs représentent la seule catégorie d’employéEs exclue du droit au permis de travail. Ceci est une violation du droit à la non-discrimination, car pour toutes les autres catégories de travailleuSEs, les migrantEs peuvent obtenir un permis de travail légal dans les conditions précisées par la loi sur l’immigration.

Au Portugal (ainsi que dans beaucoup d’autres pays), les travailleuSEs du sexe perdent la garde de leurs enfants, par l’intervention des services sociaux ou devant la cours de justice, au motif de leur activité professionnelle et non de leur capacité à être parents ou sur preuves de violences. Ceci est une violation du droit à une libre vie de famille et à la non-discrimination.

En Roumanie, où le travail sexuel est illégal, le gouvernement a interdit purement et simplement aux citoyenNEs de ce pays d’exercer ce métier. Le gouvernement roumain a aussi fait pression sur le gouvernement autrichien pour supprimer les permis de travail des travailleuSEs du sexe roumainEs en Autriche, en violation de leur droit de travailler dans un pays autre que le leur. Les travailleuSEs du sexe qui travaillaient légalement en Autriche font face désormais à des persécutions à leur retour en Roumanie.

En Russie, la police menace les travailleuSEs du sexe de les vendre comme esclaves et les viole, portant atteinte à leur droit à une égale protection par la loi. L’Etat contrevient également ici à son obligation de protéger les travailleuSEs du sexe et d’assurer leur sécurité.

En Slovaquie, les travailleurs sociaux, en toute impunité, refusent toute assistance médicale aux travailleuSEs du sexe et font des commentaires discriminatoires envers les travailleuSEs enceintes, remettant en cause leur capacité à élever des enfants. Ceci est une violation de leurs droits à la protection de l’Etat pour fonder une famille et obtenir les meilleures prestations sociales et médicales.

En Espagne, les travailleuSEs du sexe, exerçant en maisons closes, doivent payer des tarifs excessifs pour les contrôles de santé effectués par les propriétaires. Les résultats des tests ne sont pas confidentiels, ce qui est une violation du code de déontologie médicale et du droit fondamental des travailleuSEs du sexe au respect de leur vie privée.

En Suède, les politiques ont menacé de se retirer des débats publics si les travailleuSEs du sexe participaient aux discussions. Celles-ci ont ainsi été excluEs des débats les concernant, ce qui viole leur droit fondamental à la liberté d’expression et d’opinion.

Au Royaume-Uni, où les travailleuSEs du sexe exerçant dans la rue sont criminaliséEs, des circulaires condamnant « les comportements anti-sociaux » sont utilisées pour restreindre leur liberté de circulation ; dans certaines villes, des affiches avec photos et noms ont été posées et des tracts permettant d’identifier les travailleuSEs du sexe ont été distribués. Ces pratiques constituent une violation du droit à la vie privée et de participer à la vie sociale. Les travailleuSEs du sexe sont ainsi discriminéEs et subissent une violence légale.

Le droit international garantie l’égalité et la protection devant la loi de toutes les personnes, sans discrimination. On voit bien dans les faits que les travailleuSEs du sexe européenNEs échappent à ce droit. De plus, elles ne peuvent pas vraiment utiliser le système judiciaire pour lutter contre les discriminations, les violences et autres abus.

Histoire de la Déclaration

Le processus qui a amené à cette Déclaration a été initié par le SIGN (Sexwork Initiative Group Netherlands), un réseau de travailleuSEs du sexe aux Pays-Bas et d’activistes des droits des travailleuSEs du sexe. La création du SIGN a été le premier pas vers la création d’une base plus large regroupant des individus en Europe déterminés à se battre pour les droits des travailleuSEs du sexe en Europe et à organiser une conférence. En juin 2003, le SIGN a sollicité les travailleuSEs du sexe et leurs organisations à travers l’Europe pour préparer une conférence européenne. En janvier 2004, un Comité d’Organisation (CO) de 15 personnes a été constitué, la majorité étant des travailleuSEs du sexe migrantEs ou non, de différents pays d’Europe. Le CO, bien que ne représentant pas tous les pays d’Europe en son sein, est reconnu par les travailleuSEs du sexe et leurs organisations au niveau européen, voire au-delà.

Il a été décidé par le CO d’établir une Déclaration des droits des travailleuSEs du sexe en Europe qui puisse servir de base de travail pour organiser la conférence et alerter l’opinion sur le problème du non-respect des droits de l’homme pour les travailleuSEs du sexe en Europe.

Le CO a créé une structure légale : le « International Comittee on the Rights of Sex Workers in Europe » (ICRSE), afin de coordonner la conférence et servir de base à de futures initiatives.

Bien qu’écrire la Déclaration ait été la première des tâches, le ICRSE s’est aussi engagé dans le développement de stratégies dont le but est d’obtenir la reconnaissance et l’acceptation par le public et les politiques des principes de la déclaration.

Qu’est-ce que la Déclaration ?

La Déclaration n’a pas pour objet d’être un document légal ; son existence n’établit pas un cadre légal qui protège les droits des travailleuSEs du sexe en Europe. La Déclaration identifie simplement les droits du travail, de l’homme et des migrantEs que les Etats doivent, par obligation, assurer à touTEs les travailleuSEs du sexe.

Les Etats doivent garantir la non-violation des droits fondamentaux des travailleuSEs du sexe, que d’autres ne les violent pas, et que leurs structures soient organisées pour que les personnes puissent jouir de leurs droits et les exercer.

La Déclaration est une synthèse des droits proclamés dans tous les traités et conventions internationaux, auxquels touTEs les citoyenNEs ont droit, ainsi que des propositions spécifiques aux Etats de politiques et d’étapes leur permettant d’assurer ces droits aux travailleuSEs du sexe.

La première section de la Déclaration décrit les droits de tous les êtres humains en Europe. Ce n’est qu’un extrait des traités internationaux que les gouvernements européens ont signés.

La seconde section de la Déclaration établit des mesures d’application des réglementations que les signataires de la Déclaration pensent être nécessaires pour assurer le respect des droits des travailleuSEs du sexe en Europe.

Les traités internationaux auxquels il est fait référence dans cette Déclaration sont :

1 – L’Engagement International sur les Droits Civils et Politiques, ONU 1966.
2 – L’Engagement International sur les Droits Economiques, Sociaux et Culturels, ONU 1966.
3 – La Convention Internationale sur l’Elimination de toutes les formes de Discrimination contre les Femmes, ONU 1979.
4 – La Convention Internationale sur la Protection des Droits de touTEs les travailleuSEs migrantEs et les membres de leurs Familles, ONU 1990.
5 – La Convention Internationale sur le Statut des Réfugiés, ONU 1951.
6 – La Convention sur le Travail Forcé et Obligatoire (n°29), OIT 1930, et la Convention sur l’Abolition du Travail Forcé (n°103), OIT 1957.
7 – La Liberté d’Association et la Protection du Droit d’Organiser une Convention (n°87), OIT 1948.
8 – La Convention sur les TravailleuSEs MigrantEs (clause supplémentaire) (n°143), OIT 1975. L’article 2 définit unE travailleuSE migrantE comme « une personne qui est engagée ou a été engagée dans une activité rémunérée dans un Etat dont elle n’est pas originaire ».
9 – La Convention Européenne pour la Protection des Droits Humains et des Libertés Fondamentales, 1950.

De plus, elle est fondée sur un certain nombre de déclarations fondamentales :

10 – La Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, ONU 1948.
11 – La Déclaration sur le Droit et la Responsabilité des Individus, ONU 1999.
12 – La Déclaration sur l’Elimination de la Violence contre les Femmes, ONU 1993.
13 – La Déclaration sur les Principes Fondamentaux de Justice pour les Victimes de Crimes et d’Abus de pouvoir, ONU 1985.
14 – La Déclaration sur les Droits et Principes Fondamentaux au Travail, OIT 1998.
15 – La Recommandation sur les Droits des Travailleurs Migrants (n°151), OIT 1975.
16 – La Charte Sociale Européenne, 1961 et 1966.
17 – La Charte des Droits Fondamentaux de l’Union Européenne, 2000.

Le Comité International pour les Droits des TravailleuSEs du sexe en Europe (ICRSE) a mis en exergue dans ces traités les droits menacés par les législations discriminatoires et les pratiques en Europe. Ce sont :

* le droit à la vie ;
* le droit à la sécurité et à la liberté des personnes ;
* le droit d’être protégéE de l’esclavage, du travail forcé et de l’asservissement ;
* le droit d’être protégéE de la torture, des traitements inhumains et dégradants ;
* le droit d’être protégéE contre la violence, les blessures physiques, les menaces et l’intimidation ;
* le droit à la vie privée, à la protection de la vie de famille, incluant le droit à la protection contre les ingérences arbitraires ou illégales dans la vie privée ou de famille, dans sa demeure, dans ses correspondances et le droit à la protection contre les atteintes à l’honneur et à la réputation ;
* le droit à la liberté de circulation et de résidence ;
* le droit de quitter tout pays, y compris son pays d’origine, et d’y revenir ;
* le droit de demander l’asile et au non-refoulement ;
* le droit à une protection égalitaire par la loi, et à la protection contre les discriminations ou les incitations à la discrimination ;
* le droit à un procès équitable ;
* le droit à la liberté d’expression et d’opinion ;
* le droit de travailler, de choisir librement son emploi, de bénéficier de conditions de travail équitables et favorables et à la protection contre le chômage ;
* le droit d’accès aux soins du plus haut niveau ;
* le droit de se réunir et de s’associer pacifiquement ;
* le droit de s’organiser, à la liberté d’association, de former un syndicat et de se syndiquer ;
* le droit à l’information pour les migrantEs avec ou sans papiers ;
* le droit à un traitement médical efficace et approprié ;
* le principe de non-discrimination ;
* le droit de participer à la vie sociale et culturelle de la société ;
* l’obligation des Etats de combattre les clichés et les préjugés ainsi que toutes les autres pratiques fondées sur l’idée de la supériorité ou l’infériorité d’un genre sur un autre et sur les rôles stéréotypés des différents genres.

Dans la Déclaration elle-même, nous nous focalisons sur les droits qui sont les plus menacés en Europe. La Déclaration n’est pas une demande de droits spéciaux pour les travailleuSEs du sexe. Elle repose sur le fait que proposer des services sexuels n’est pas une raison pour être privé de ses droits fondamentaux, droits auxquels tout être humain doit avoir accès selon le droit international.

La Solidarité

Le processus de consultation élargie à travers toute l’Europe, qui a abouti à la présentation et à la ratification de la Déclaration, a été crucial dans le développement de cet engagement collectif pour défendre le droit des femmes, hommes, trans’, travailleuSEs du sexe et migrantEs. Rassembler les individus et les groupes ayant des points de vue très différents a permis d’avoir une vision plus large de l’importance de promouvoir le respect des droits des travailleuSEs du sexe en Europe. La formulation de la Déclaration a permis de mettre en lumière les points communs entre les travailleuSEs du sexe et les autres groupes marginalisés dont les droits ne sont pas respectés.

Enfin, la Déclaration nous permet, en Europe, de créer des liens avec le reste du monde. Bien que la Déclaration soit spécifique à l’Europe, elle nous dote d’un langage, le langage des droits, que tous les pays du monde peuvent comprendre et partager.

Usage de la Déclaration

L’information est une force majeure. En réaffirmant les droits déjà existants, la Déclaration a comme objectif premier de servir d’outil à l’ « empowerment » des travailleuSEs du sexe dans la défense de leurs droits face aux autorités et à la justice.

En second lieu, la Déclaration a pour but d’être un point de référence à partir duquel nous pourrons évaluer ce qui a été réalisé, quels sont les progrès que nous accomplissons et où diriger nos efforts. Elle fournit une base de travail aux différentes organisations et groupes de lobby oeuvrant à la reconnaissance des droits universels, pour défendre la cause des travailleuSEs du sexe – en particulier dans les cas où ces droits ne leur sont pas reconnus.

Troisièmement, elle donne un guide aux organisations et institutions qui visent à atteindre une politique et des pratiques non-discriminatoires et équitables.

Enfin, elle servira d’observatoire de l’évolution de notre condition. En fournissant une ligne directrice, elle nous permet de juger si les projets de lois vont ou non dans le sens du respect des droits des travailleuSEs du sexe. A plus long terme, elle peut nous permettre de convaincre le public que le respect des droits humains de touTEs est la base d’une société saine.

 

La Déclaration des Droits des TravailleuSEs du sexe en Europe

 

Préambule

Cette Déclaration a été écrite par les travailleuSEs du sexe ainsi que des organisations alliées, dans le but de promouvoir leurs droits humains – garantis par le droit international, et leur bien-être. La Déclaration dresse une liste de ces droits qui sont ceux de toutes les personnes en Europe, y compris les travailleuSEs du sexe. La Déclaration propose ensuite les mesures, et recommande les pratiques, que les signataires considèrent comme étant minimales pour assurer le respect de ces droits et leur application. Ces droits doivent être respectés et protégés par le développement de politiques et de programmes destinés à combattre les différentes formes de trafic, l’esclavage moderne et tous les abus physiques et moraux que subissent les travailleuSEs du sexe.

La Déclaration

Selon le droit international, toutes les personnes sur le territoire européen, incluant les travailleuSEs du sexe, ont les droits suivants, que tous les gouvernements sont dans l’obligation de respecter, protéger et mettre en oeuvre :

I. Le droit à la vie, la liberté et la sécurité.
II. Le droit d’être libre de toute ingérence dans sa vie privée et familiale, dans son logement, dans sa correspondance, et d’être préservé de toutes atteintes à son honneur et à sa réputation.
III. Le droit aux meilleurs standards de santé physique et mentale.
IV. Le droit à la liberté de circulation et de résidence.
V. Le droit d’être libre de toute forme d’esclavage, de travail forcé et d’asservissement.
VI. Le droit à une égale protection par la loi, contre les discriminations et incitations à la discrimination, que ce soit pour des raisons de genre, de race, de nationalité, d’orientation sexuelle, etc.
VII. Le droit de se marier et fonder une famille librement.
VIII. Le droit de travailler, de choisir librement son emploi et de bénéficier de conditions de travail équitables et favorables.
IX. Le droit de se réunir et de s’associer pacifiquement.
X. Le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et d’y revenir.
XI. Le droit de demander l’asile, sans être refoulé.
XII. Le droit de participer à la vie sociale et culturelle au sein de la société.

Ces droits humains figurent tous dans les traités internationaux que les gouvernements européens ont accepté de ratifier.

De plus, la plupart des traités contiennent une clause de non-discrimination stipulant que ces droits doivent être appliqués sans distinction de race, couleur, sexe, langue, religion, opinion politique ou autre, origine sociale ou nationale, d’association avec une minorité nationale, de propriété, de naissance ou d’autre statut. En complément, le comité des Nations Unies sur les droits de l’homme précise dans son commentaire 15 des Généralités : « chacun des droits cités doivent être garantis sans discrimination pour les citoyens et les étrangers ».

Bien que ces droits s’appliquent à tous les êtres humains, l’expérience de touTEs les travailleuSEs du sexe en Europe montre que les Etats ne protègent, ne défendent et ne respectent pas leurs droits égalitairement avec les autres citoyenNEs.

Nous déclarons ici formellement les Droits des TravailleuSEs du sexe en Europe et demandons aux gouvernements européens de les appliquer de toute urgence.

I. Vie, Liberté et Sécurité

Les travailleuSEs du sexe ont le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne, incluant la détermination de sa sexualité. En vertu de ce droit :

1. Personne ne doit être contraintE par d’autres de proposer des services sexuels contre sa volonté, où à des conditions qu’il n’accepte pas.

2. Les préservatifs sont vitaux pour permettre aux personnes de protéger leur vie et leur sécurité ; leur confiscation doit être interdite.

3. Les gouvernements de tous les pays doivent faire cesser l’impunité des criminels exerçant des violences extrêmes, allant jusqu’au meurtre, sur les travailleuSEs du sexe. Doivent être inclus à cette impunité les représentants des forces de l’ordre, lorsqu’ils commettent des abus en tous genres (vexations, etc.), à l’occasion d’enquêtes par exemple.

II. Vie privée et vie de famille

Les travailleuSEs du sexe ont le droit d’être libres de toute ingérence dans leur vie privée et de famille, dans leur domicile, dans leur correspondance, de ne pas être victimes d’atteinte à leur honneur et à leur réputation. En vertu de ce droit, nous estimons que :

4. Toute personne ayant le droit d’établir et de développer des relations personnelles, le fait que les partenaires ou les enfants majeurs des travailleuSEs du sexe soient qualifiéEs de proxénètes est discriminatoire. Il est possible aussi que d’autres personnes établissant des relations avec unE travailleuSE du sexe se voient refuser certaines prestations. De telles pratiques signifient clairement qu’il n’est pas approprié pour les travailleuSEs du sexe d’avoir une vie de famille et une vie privée.
En accord avec une jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, le droit à la vie privée inclut le droit « d’établir et de développer des relations avec les autres, particulièrement dans le domaine affectif, pour son propre développement personnel » – Dudgeon, Royaume Uni, Jugement de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, 1981, 4 EHRR 149.

5. Les travailleuSEs du sexe ont le droit de choisir le nombre d’enfants qu’elles/ils souhaitent. Le fait d’avoir été ou d’être travailleuSEs du sexe ne doit en aucune façon servir de prétexte à une remise en cause de la capacité d’élever ses enfants.

III. Santé

Les travailleuSEs du sexe, quel que soit leur statut au regard des services de l’Immigration, ont le droit au meilleur niveau de soins mentaux et physiques, incluant les soins liés à la santé sexuelle et gynécologiques. En application de ce droit :

6. Les dépistages du VIH et des autres IST (Infections Sexuellement Transmissibles) ne doivent en aucun cas être obligatoires. Tous les tests pratiqués doivent être conduits avec pour seul but de promouvoir la santé et les droits des personnes.

7. Les informations sur la sérologie aux VIH et aux autres IST doivent restées strictement confidentielles.

IV. Liberté de déplacement et de résidence

Les travailleuSEs du sexe ont droit à la liberté de circulation et de résidence. En application de ce droit :

8. Aucune restriction dans la liberté de circulation entre les Etats et de résidence n’est applicable aux travailleuSEs du sexe en raison de leur profession.

9. Aucune restriction dans la liberté de circulation des individus à l’intérieur des Etats et des communautés d’Etats ne peut être appliquée. Toute mesure qui viserait à contrôler les travailleuSEs du sexe ne peut être l’occasion de limiter leur liberté de déplacement, incluant la liberté de quitter sa résidence personnelle et d’y revenir, de rendre visite à sa famille ou de bénéficier de services divers.

V. Travail forcé et esclavage

Les travailleuSEs du sexe ont le droit d’être libres de toute forme d’esclavage, de travail forcé ou d’asservissement. En application de ce droit :

10. Des mesures doivent être prises pour assurer aux travailleuSEs l’accès au droit du travail, à l’information sur leurs droits et à toutes les possibilités pour mettre fin à des conditions d’exploitation dans leur travail.

11. Des mesures doivent être prises en vue de fournir la protection et l’assistance appropriées aux victimes de trafic, de travail forcé et d’esclavage, en respectant leurs droits fondamentaux. Des permis de résidence doivent être délivrés pour assurer un accès libre à la justice et aux solutions légales, incluant des compensations, quelle que soit la volonté des travailleuSEs du sexe de collaborer avec les forces de police. Les personnes victimes de trafic ne doivent pas être renvoyées dans leur pays d’origine dans des conditions qui les conduiraient à y être à nouveau victimes de trafic.

VI. Le droit à une égale protection par la loi et contre les discriminations

Les travailleuSEs du sexe ont droit à la même protection par la loi et l’accès aux mêmes recours que les autres citoyenNEs, ainsi qu’à la protection contre les discriminations ou l’incitation à la discrimination. En application de ce droit :

12. Qu’unE travailleuSE du sexe ait commis un crime ou non, le Personnel de police ne doit pas abuser de sa position dominante pour l’agresser ou la harceler. Quand une enquête est menée, ou lors d’une interpellation/arrestation, les droits des accuséEs ou des défenseurs doivent être respectés quelque soit leur profession.

13. Il est de la responsabilité des Etats de garantir la bonne conduite des enquêtes, poursuites et jugements, indépendamment de l’implication dans le travail sexuel des accuséEs ou de leur statut d’immigréEs. Des mesures doivent être prises pour s’assurer que les systèmes judiciaires sont en mesure de juger les crimes dénoncés par les travailleuSEs du sexe, mesures incluant une formation appropriée pour le Personnel de police, les procureurs et les juges. Les preuves apportées par unE travailleuSE du sexe ne doivent pas être écartées d’office du fait de son métier.

14. Aucune personne ne devrait voir ses biens confisqués ou détruits par le Personnel de police ou de justice.

15. Personne ne devrait être discrédité devant les tribunaux civils ou de famille sous prétexte de travail sexuel.

16. Des mesures doivent être prises pour protéger les travailleuSEs du sexe et leur famille de toute discrimination dans l’accès au travail, au logement, aux services légaux, médicaux et sociaux, à la protection de l’enfance et contre les discriminations injustifiées exercées par certaines compagnies d’assurance.

17. Des formations à l’attention du grand public et des professionnels doivent être mises en place, dans le but d’éliminer les préjugés et les discriminations dont sont victimes les travailleuSEs du sexe.

VII. Le droit de se marier et de fonder une famille

Les travailleuSEs du sexe ont le droit de se marier et de fonder une famille. En vertu de ce droit :

18. Le fait d’être ou d’avoir été travailleuSE du sexe ne doit en aucun cas restreindre le droit au mariage avec le/la partenaire de son choix, de fonder une famille et d’élever des enfants.

19. Le gouvernement doit assurer aux travailleuSEs du sexe et à leurs familles l’accès aux soins ; les autorités qui en dépendent ne doivent faire aucune discrimination contre les travailleuSEs du sexe et leur famille et respecter leurs vies privées.

VIII. Le droit au travail et à des conditions de travail justes et favorables

Les travailleuSEs du sexe ont le droit de travailler, de choisir librement leur emploi et de bénéficier de conditions de travail justes et favorables. Elles ont droit à une protection contre le chômage. De fait :

20. L’absence de reconnaissance du travail sexuel en tant que profession à part entière a des répercussions graves sur les conditions de travail des travailleuSEs du sexe et leur interdit l’accès à la protection fournie par les lois, nationales et européennes, sur le droit du travail.

21. Les travailleuSEs du sexe doivent avoir le droit de choisir, sans intervention ni pression exercées par d’autres, la nature et les conditions des services sexuels qu’elles/ils proposent.

22. Les travailleuSEs du sexe ont le droit de disposer de lieux de travail sains et sans danger pour leur sécurité ; une information précise et appropriée doit être à disposition des travailleuSEs du sexe, qu’elles soient employéEs ou indépendantEs. Il est formellement interdit d’imposer à une travailleuSE du sexe la consommation de substances psychoactives comme prérequis au travail.

23. Toutes les personnes doivent être traitées avec respect sur leur lieu de travail et être préservées du harcèlement sexuel. Doivent être promus le respect, la lutte contre le harcèlement et contre tous types d’abus pouvant se manifester sur un lieu de travail lié à l’industrie du sexe comme aux autres secteurs d’activité.

24. Les travailleuSEs du sexe doivent bénéficier des avantages stipulés par le Code du Travail, dont les congés payés et le droit à l’allocation chômage.

25. Les travailleuSEs du sexe ne doivent pas être discriminéEs par la pratique de loyers excessifs, ou par une augmentation des prix de la nourriture ou des produits de première nécessité qu’elles/ils sont contraintEs d’acheter sur leur lieu de travail.

26. Personne ne devrait se voir refuser un emploi sous prétexte d’avoir exercé la profession de travailleuSE du sexe auparavant.

IX. Le Droit d’association et de rassemblement pacifique

27. Le fait d’exercer la profession de travailleuSE du sexe ne doit pas être invoqué comme une justification pour limiter la coopération, l’unification, la création d’associations, toutes entreprises nécessaires à l’expression de ses opinions et à la défense de ses droits.

X. Quitter et revenir dans son pays

Les travailleuSEs du sexe ont le droit de quitter leur pays, ou un autre, et d’y revenir. En vertu de ce droit :

28. Le travail sexuel ne doit pas être utilisé comme un prétexte pour limiter le droit de quiconque de sortir ou de rentrer dans son pays. Tout retour doit pouvoir se faire dans les meilleures conditions de sécurité.

XI. Droit d’asile et de non-refoulement aux frontières

Les travailleuSEs du sexe ont le droit de demander l’asile et ne doivent pas être renvoyéEs dans des conditions inhumaines et subir des traitements dégradants ou la torture. En vertu de ce droit :
29. Les gouvernements doivent prendre les mesures nécessaires pour s’assurer que le fait d’être travailleuSE du sexe ne constitue pas un obstacle au droit d’asile et de non-refoulement aux frontières.

XII. Participation à la vie publique

Les travailleuSEs du sexe ont le droit de participer à la vie culturelle et sociale de leur pays de résidence. En vertu de ce droit :

30. Les travailleuSEs du sexe, comme toute autre personne, doivent avoir le droit de participer à la rédaction et au vote des lois et des règlements concernant leur environnement de vie.