Rafle du 8 mars 2014, Lettre ouverte à Mme Najat Vallaud-Belkacem

Ministre des Droits des Femmes et Porte-parole du Gouvernement.
Madame,
C’est avec colère que nous avons appris, à peine quelques heures après que se soient achevées des manifestations féministes, partout en France, à l’occasion du 8 mars, journée internationale des droits des femmes, que plusieurs dizaines de femmes, travailleuses du sexe, ont été arrêtées lors d’une gigantesque rafle conduite dans le bois de Boulogne.
Vous n’êtes pas sans savoir que ce type d’opération est devenu très fréquent ces derniers temps, avec son lot d’irrégularités et d’abus ; pour rappel, le 10 décembre 2013, c’étaient 12 travailleuses du sexe de nationalité chinoise qui avaient été arrêtées à leur domicile, dont la moitié d’entre elles conduites en centre de rétention administrative en attendant d’être expulsées du territoire français.
Depuis votre arrivée au gouvernement, vous n’avez cessé de vous réclamer et d’agir en fonction d’une idéologie – l’abolitionnisme – qui aurait au cœur de sa motivation la protection des personnes – notamment des femmes – qui vendent des services sexuels.
Pourtant, alors que cela fait plus de deux ans maintenant que vous êtes au gouvernement, tout ce que l’on a pu constater est votre volonté d’entraver l’abolition du délit de racolage public, soit en soutenant les associations membres du collectif abolition 2012 qui s’étaient opposées à la proposition de loi de Mme Esther Benbassa allant en ce sens, soit en soutenant un projet de loi qui ne vise qu’à échanger le délit de racolage public avec celui de recours à la prostitution, sans davantage garantir le respect des droits des travailleuses du sexe. Certes, dès votre arrivée au gouvernement, vous manifestiez votre volonté de travailler avec M. Manuel Valls sur la question de la prostitution. Celui-ci s’étant distingué par le nombre de mesures d’expulsion mises à exécution depuis son arrivée au Ministère, les rafles régulières qui, sous couvert de lutte contre les « réseaux d’exploitation », ne conduisent qu’à une répression directe des travailleuses du sexe et à l’expulsion de celles en situation irrégulière, ne nous étonnent donc pas. Pour autant, nous ne pouvons continuer d’accepter ce double-discours. Nous ne pouvons accepter que nos collègues se fassent expulser au nom d’une lutte pour notre protection.
Parce que malgré nos profondes divergences sur les solutions à mettre en œuvre pour protéger les travailleuses du sexe de l’exploitation, nous sommes persuadées que vous ne pouvez approuver que des dizaines de femmes soient quotidiennement harcelées par les forces de l’ordre. Parce qu’à moins de considérer que les putes ne sont pas des femmes, vous ne pouvez que vous insurger contre la rafle de ce samedi à Boulogne, nous vous demandons, Madame la Ministre, d’émettre dès aujourd’hui une position claire sur le traitement que votre gouvernement compte réserver aux travailleuses du sexe en situation irrégulière dans les semaines à venir. Nous vous demandons également, dès aujourd’hui, de prendre position contre les rafles et expulsions qui visent les travailleuses du sexe. Surtout, nous vous demandons quels moyens concrets comptez-vous mettre en œuvre, dès aujourd’hui, pour que ces rafles et expulsions cessent, non seulement à Paris, mais dans la France entière.
En vous souhaitant bonne réception de ce courrier, et dans l’attente d’une réponse claire à nos questions,
nous vous prions d’agréer, Madame la Ministre et porte-parole du gouvernement, nos salutations.
Le STRASS, Syndicat du travail sexuel.

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